Le 5 mars au soir, lorsque les listes des candidats ont été publiées, l’opinion publique, d’abord, a été sidérée en constatant que la plupart de ces listes comportaient les noms de ministres en exercice, d’anciens députés, de chefs d’entreprises… et de proches de hauts responsables de l’Etat.
« Je leur tire mon chapeau, ils nous ont bernés en nous faisant croire qu’ils allaient nous donner notre chance. Leur slogan « rajeunir le parlement et impliquer les jeunes dans les institutions étatiques » s’est avéré, en fin de compte, un gros mensonge pour nous endormir. C’est bête, car maintenant, on sait à quoi nous avons affaire, et ils n’ont qu’à constituer leur Assemblée Populaire Nationale (Parlement) tous seuls. Qu’ils fassent leur campagne et aillent voter, nous, nous ne sentons pas concernés par cette mascarade » rugit Ahmed Bendali, jeune enseignant de sciences naturelles dans un collège à Tlemcen.
« Sans rougir le FLN a placé des ministres en tête de ses listes de candidature, dans différentes grandes villes du pays, à l’image de Abdelmalek Boudiaf, ministre de la santé, de la population et de la réforme hospitalière , Abdelouahab Nouri, ministre du tourisme, Tayeb Zitouni, ministre des moudjahidine (anciens combattants), Abdelkader Ouali, ministre des ressources en eau et environnement, Abdesslam Chelghoum (Agriculture, Développement rural et Pêche), Boudjema Talai (Travaux publics et Transports), Tahar Hadjar (Enseignement supérieur et Recherche scientifique), Ghania Eddalia (Relations avec le Parlement) et Aïcha Tagabou (ministre déléguée, chargée de l’Artisanat) » révèle avec colère, un Mouhafed (commissaire régional de parti) d’une région frontalière, avocat de profession, âgé de 42 ans.
« Crédule que j’étais, j’attendais mon nom sur notre liste, une ambition logique, étant militant de longue date et croyant aux « principes » de notre formation politique qui, pour cette fois, devait donner la primauté aux jeunes cadres du FLN, surtout les diplômés. La réalité est effarante ; on a privilégié des étrangers aux partis dont le seul atout est leur accointance avec nos responsables ou leur argent. C’est tout simplement honteux et je me considère démissionnaire dès cet instant ! » tance le jeune Mouhafed.
Dans ce parti, tous les doigts accusateurs sont dirigés vers l’actuel ministre de la justice et garde des sceaux, originaire de Maghnia, et responsable de la commission qui a établi la liste.
« En regardant la liste de près, on devine vite que ce sont ses candidats à lui » lance avec amertume et animosité Salim H. ingénieur et militant depuis dix ans du Front.
Des partis satellitaires du régime, chapeautés par d’anciens ministres, comme Amar Ghoul, ancien islamiste (ancien ministre des travaux publics, puis des transports) actuellement sénateur et Président de TAJ (Rassemblement l’espoir de l’Algérie) a opté pour des candidats qui ont davantage dans la poche qu’un curriculum vitae politique. « Nous n’avons pas forcément puisé dans notre base militante, nous avons sollicité des personnalités, quelles que soient leur nature, même si elles ne sont pas militantes, sympathisantes de notre parti ou ne pigeant rien à la politique. Le critère, c’est leur aisance matérielle » avoue sans gêne, Abdelkader S, coordinateur local du parti dans une ville de la wilaya de Tlemcen.
Amara Benyounès, ancien ministre et secrétaire général du Mouvement Populaire Algérien (MPA), n’ayant jamais caché son allégeance au chef de l’Etat Abdelaziz Bouteflika, a placé son frère comme tête de liste à Alger. Et sans trop attendre, ses militants ont annoncé une démission collective.
Mohamed Benhamou, président du parti El Karama (La dignité) très proche du Pouvoir, ayant perdu toute crédibilité, a « pêché » dans la base mécontente des autres partis. Une stratégie, pense-t-il, qui poussera « ces militants marginalisés et dupés à voter contre leurs formations politiques».
M. Benhamou, ancien député d’un autre parti avant de fonder le sien, ne mise pas sur la jeunesse : « Le parlement c’est pour les gens aguerris, d’un certain âge. Les jeunes doivent commencer par les élections locales et briguer des mandats dans les mairies et les assemblées populaires de la wilaya. Ils doivent faire de l’apprentissage pour être de futurs députés. » Des paroles comprises comme méprisantes.
Le sociologue Djamel Bensouna estime que « tous les partis en lice sont pro-pouvoir. Il n’y a pas d’opposition en Algérie, si l’on excepte quelques organes de presse. Et par conséquent, le régime ne fait confiance qu’à ses dévoués… pour se perpétuer et régner autant que possible, du moins jusqu’en 2019, fin de mandat présidentiel de Bouteflika.
D’ici le 4 mai, on va assister à du folklore. La campagne électorale et tout ce qui s’ensuit ne seront que du cinéma, puisqu’au final, le Pouvoir a déjà programmé son système de quotas pour les prochaines législatives. L’objectif du régime, depuis toujours, c’est un parlement de pure forme, mais qui lui sera soumis corps et âme ».
Ce n’est donc pas demain la veille d’une nouvelle configuration politique dans un pays qui peine à se relever des désastres à répétition provoqués par ses dirigeants.
Chéro Béli.