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07
janvier

Les enfants handicapés de Beldet Omar, marginalisation jusqu'à la mort

Les enfants handicapés de Beldet Omar (140 km de Ouargla en Algérie) sont la preuve vivante de la marginalisation et de l'ignorance, non seulement de la part des citoyens et des habitants, mais également de la part des instances spécialisées dans la prise en charge des personnes à besoins spécifiques.

Rien que dans ce village, 14 cas de handicap chez les enfants âgés entre 7 et 13 ans ont été recensés en 2015 par le club "santé de mon village", relevant de la maison de jeunes du même village, sans qu’ils ne bénéficient de mesures spécifiques.

Nous avons été accueillis par Ammar et son garçon Fakhreddine Ghattas, 12 ans, porteur d'un handicap moteur à 90% et muet depuis sa naissance. Il arrive pourtant à garder le sourire malgré sa situation. Ammar, le père, nous a raconté le calvaire de son fils qui a débuté depuis sa naissance en 2003. C'est la sage-femme qui a découvert ce handicap. La famille a essayé de trouver un médecin spécialiste pour y remédier, en vain. Depuis, Fakhreddine a grandi entouré de sa famille, surtout sa mère qui était très inquiète pour son état de santé. La découverte de son mutisme, n'a fait qu'empirer les choses.

Lorsqu'il a atteint six ans, Fakhreddine n'a pas eu la chance d'aller à l'école à cause de son handicap, surtout en l'absence d'institutions éducatives spécialisées, raconte le père. Cloué à la maison, Fakhreddine s'est renfermé sur lui-même et pleure à longueur de journée.

Selon le père, Fakhreddine adore le football et aime regarder les matchs à la télé. Cet amour pour le foot se lit sur le visage du petit garçon quand son père change la chaine sportive à la télé. "J'ai remarqué que Fakhreddine aimait bien la prière de "trawih" pendant le ramadan. J'ai réalisé son rêve en l'emmenant, l'année dernière, aux lieux saints", a-t-il ajouté. Mais Fakhreddine nécessite de vivre dignement, même loin de son père qui se charge, avec sa mère, de tous les besoins de leur enfant. Ammar nous a confié que les personnes porteuses de handicap ne jouissent d'aucune aide de la part des institutions spécialisées. Ce genre d'institutions, outre leur courante marginalisation, n'existe même pas dans le village. Il n’y a même pas de manifestations particulières pendant la journée mondiale des personnes à besoins spécifiques, le 3 décembre de chaque année.

Ibrahim est un autre enfant handicapé. Il est non-voyant. Son père et lui nous ont reçus dans leur petite maison située au nord de son village. Nous nous sommes assis sur le vieux tapis qu'il nous a préparé, espérant faire entendre le supplice de son fils. C'est la première fois qu'il ressent un quelconque intérêt pour sa situation. Le père se charge entièrement de son fils. Sa femme et lui le préparent le matin, elle lui donne son bain, l'habille, le nourrit et le met au lit le soir. Le père d'Ibrahim n'a pas pu retenir ses larmes en nous racontant le calvaire de son fils et l'insouciance des enseignants à l'école à son égard. "Je n'ai qu'un seul ami qui l'emmène à l'école et subvient à ses besoins", a-t-il affirmé, mettant l'accent sur l'absence des institutions spécialisées qui peuvent se charger de lui et lui fournir les livres adéquats à sa situation (technique de Braille).

Le père a essayé de nous raconter le supplice de son fils, mais ses larmes l'ont empêché de poursuivre son histoire. Le petit ne dispose d'aucun moyen de distraction pour changer d'ambiance, ni d'amis pour le réconforter. Il se contente de passer quelques minutes dans le quartier.

La plupart des enfants que nous avons rencontrés revendiquent la création d'un centre spécialisé pour la prise en charge des non-voyants et leur garantir un suivi psychologique. Selon les parents, ceci leur permettrait d'intégrer la société.

Afin de porter la voix de ses enfants aux autorités compétentes, nous avons contacté le département des affaires sociales au sein du gouvernorat. Leur solution a été, comme toujours, la création d'associations pour les personnes à besoins spécifiques. Cependant, les parents affirment que ce genre d'associations ne fait pas long feu à cause de son caractère bénévole. La situation financière des familles ne leur permet pas de payer des frais supplémentaires.

Dans ca cadre, le père de Wassim, un garçon de 4 ans souffrant d'un retard de croissance, nous a confié que le handicap de son fils nécessite une opération chirurgicale en Tunisie qui coûte 400 dollars (environ 40.000 dinars algériens). "Mon fils unique et moi, nous nous rendons aux séances périodiques de rééducation chez le médecin spécialiste. Ces visites nous coûtent de l'argent et des efforts à ma femme et moi", a-t-il indiqué.

Nombre d'enfants porteurs de handicap dans la ville d'Amor risque même la mort à cause de complications sanitaires et, parfois, des maladies psychologiques dont ils souffrent à cause de la marginalisation. Le directeur des affaires sociales à Beldet Omar nous a indiqué que les prérogatives des services municipaux ne leurs permettent pas de prendre en charge les personnes aux besoins spécifiques. Selon lui, c'est le département des affaires sociales du gouvernorat qui met en place les programmes destinés à cette catégorie. Seules quelques associations dirigées par des médecins spécialistes font des initiatives afin d'alléger les souffrances des enfants et de leurs parents.

Malgré cette souffrance, les enfants porteurs de handicap de Beldet Omar et leurs parents gardent toujours espoir et s'accrochent à chaque soupçon d'occasions pour sortir de ce calvaire.