La vie de Naziha s’est conjuguée dès la naissance à un rude parcours de souffrances. Née avec des infirmités apparentes et douloureuses au niveau des yeux, sa mère l’a emmenée à l’hôpital où l’on a décidé de lui faire subir une opération chirurgicale, étant donné qu’elle courait le risque de perdre la vue. Mais la famille n’avait pas les moyens suffisants pour l’opération, ce qui n’a fait qu’ajouter aux souffrances aussi bien physiques que psychologiques de Naziha. La famille a portant essayé par tous les moyens de contacter les médecins qui étaient en charge du cas pour tenter de les convaincre de réduire un peu le coût de l’opération, en vain. Une course contre la montre s’est alors engagée pour éviter le pire ; amis et proches de la famille ont fait de leur mieux pour collecter de l’argent, bien que la somme fût faramineuse. Ils ont essayé en même temps de trouver un donateur charitable qui veuille bien sauver les yeux de la fillette, sans succès.
Les jours passaient pendant que la petite Naziha, toujours au même point, pleurait à chaudes larmes ses yeux menacés de s’éteindre, jusqu’au jour où elle a enfin rencontré un médecin qui a eu pitié d’elle et qui a bien voulu l’opérer. Malheureusement, il était beaucoup trop tard : le médecin a découvert qu’elle avait perdu la vue. Elle n’avait que dix ans...
Bien que ce drame ait provoqué une profonde déception chez la famille de Naziha, cette dernière ne s’est pas laissée abattre ni décourager pour autant et a continué à mener sa vie de façon normale. Et, même si elle a dû arrêter ses études, elle a tout de même gardé le contact avec ses anciennes camarades et ses voisins qui l’aimaient bien depuis qu’elle était toute petite. Naziha est ainsi devenue un exemple de patience et de volonté.
Elle a grandit et elle est devenue adulte grâce à son père qui prenait soin d’elle et la soutenait dans tout ce qu’elle entreprenait. A vingt ans, elle a décidé d’entamer un projet qui lui tenait à cœur depuis qu’elle a pris l’habitude d’écouter du Coran tous les matins à la radio et à la télévision : celui d’apprendre le texte coranique par cœur. A vingt-huit ans, elle s’est inscrite dans une école coranique non loin de chez elle. Son père, qui était aussi son unique protecteur, l’y accompagnait tous les matins, tandis que ses camarades la ramenaient tous les après-midi. Une de ses amies se rappelle d’ailleurs qu’elle était très assidue et n’hésitait jamais à poser des questions pour demander des précisions sur les nuances de sens que comportent certains versets du Coran. Elle était si brillante qu’elle s’est rapidement distinguée du reste de ses camarades et qu’elle a finit par obtenir l’admiration de son maître et le respect de tous ceux qui l’ont côtoyée.
Poursuivant son apprentissage, Naziha a fini par connaître par cœur le quart du texte coranique, suscitant ainsi l’admiration de tous pour ses fortes capacités de mémorisation malgré son état de santé peu enviable. Et elle ne s’est pas arrêtée là, puisque la fierté de sa famille lui a donné l’envie et la force de poursuivre son projet jusqu’à achever d’apprendre par cœur la moitié du Coran. Décrivant ce qu’elle ressentait alors, elle affirme : « Plus j’avançais dans mon projet, plus je me sentais renaître à nouveau et oublier petit à petit que j’étais non voyante, comme si cela donnait de la lumière à mes yeux ». C’est d’ailleurs ce qui l’a encouragée à poursuivre son entreprise jusqu’à connaître par cœur la totalité du texte coranique, aussi bien au niveau des versets qu’au niveau des normes phonétiques de leur diction, en se basant uniquement sur l’ouïe.
Nous avons rencontré Naziha et nous l’avons interrogée sur son parcours et sur le temps que lui a pris d’apprendre par cœur le Coran. « Cela m’a pris une année et demie », dit-elle. Quiconque entendrait cette réponse, se trouverait impressionné car, comme le confirment son maître et ses camarades, la chose est loin d’être facile, en particulier dans la situation de Naziha. « La cécité aurait empêché quiconque de persévérer comme elle l’a fait, à moins qu’il n’ait une détermination d’acier ».
A la question de savoir si elle a reçu des honneurs dignes de cet exploit, elle a répondu qu’elle en a reçu deux : le premier, de la part de son école lors de la fête de fin d’études et le second, de la part d’un homme d’affaires qui lui a offert une visite rituelle (« Omra ») des lieux saints de la Mecque, accompagnée de son père qui s’est toujours montré à ses côtés et qui l’a toujours soutenue pour réaliser ses ambitions.
Au sujet de ce dont elle aurait besoin après avoir relevé ce défi, Naziha nous a confié qu’afin d’apprendre à lire en déchiffrant le code Braille elle fréquente une école spécialisée au centre de la province d’Ouargla, située à 140 kilomètres de chez elle. Et bien qu’elle ne s’y rende qu’une seule fois par semaine, cela lui occasionne un grand épuisement, dit-elle. C’est pourquoi elle ne demande qu’à se procurer le livre qui lui sert de support d’apprentissage pour qu’elle puisse en profiter pleinement et joindre le plaisir de la lecture à celui d’écouter la radio ou la télévision.
Naziha termine l’entretien qu’elle nous a accordé en adressant un message aux personnes atteintes, comme elle, par un handicap: « Sachez que quels que soient le bonheur ou la grâce qui vous sont enlevés, il y en a d’autres qui vous sont réservés et qui se trouvent cachés quelque part en vous ; il suffit d’y croire et de les rechercher ! ». Malgré son handicap qu’on pourrait croire incompatible avec toute réussite et toute évolution personnelle, Naziha aura prouvé en effet que des yeux qui perdent la lumières ne perdent pas forcément avec elle la capacité de rêver et que les vraies lueurs sont celles qui émanent du cœur, de même que le vrai succès est celui que réalise notre raison en venant à bout des difficultés les plus insurmontables.