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09
octobre

Un suivi politique après l’action militaire à Syrte

Quatre mois après son entrée à Tripoli, il apparaît clairement que le gouvernement de réconciliation de Sarraj n’a pas l’air de réussir à rétablir la stabilité en Libye.

Même la bataille de Syrte, qui, du reste, sera très bientôt conclue militairement, n’apportera pas la paix escomptée, puisque les milices de Daech demeureront présentes dans plusieurs villes, dont notamment Tripoli. La solution ne peut donc en aucun cas être exclusivement militaire.

L’analyste politique libyen Abderrazak Al Aribi affirme en effet que la solution militaire ne peut à elle seule reprendre Syrte aux mains de Daech, comme elle ne peut absolument pas résoudre les crises libyennes. Aussi appelle-t-il les différentes forces politiques et militaires libyennes, ainsi que les administrations américaine et européenne à œuvrer pour une stratégie politique parallèle qui puisse apporter une solution à la crise.

Dans une déclaration accordée à l’agence Dunes Voices, Al Aribi affirme que les principales priorités de Washington et de l’Europe sont avant tout de renforcer les bases du gouvernement de réconciliation conduit par Fayez Sarraj, afin d’asseoir l’autorité de ce dernier et de soutenir sa légitimité sur l’ensemble du territoire libyen.

En l’absence du vote de confiance du parlement, Al Aribi a proposé de créer une commission issue des conseils municipaux élus, afin de questionner le gouvernement de réconciliation nationale, de lui demander des comptes et de travailler en collaboration avec lui. Il précise que ladite commission n’aura pas de caractère législatif mais elle assure un minimum de contrôle sur l’action du gouvernement.

L’analyste pense encore que la mobilisation locale est l’un des meilleurs moteurs de la paix en Libye. Aussi est-il primordial selon lui d’appuyer les conseils municipaux et les représentants locaux pour parvenir à rétablir la stabilité et à coordonner les actions entre les instances locales et l’autorité centrale.

« Malgré l’importance des efforts diplomatiques consentis, il est peu probable que le chef des forces armées libyennes, le Maréchal Khalifa Haftar, accepte de travailler sous la direction d’un gouvernement civil. De même, ses défenseurs, en l’occurrence l’Egypte et les Emirats Arabes, n’admettront jamais de gouvernement comportant parmi ses membres des Islamistes, ce qui revient à dire qu’il n’y aura pas de gouvernement d’union nationale qui puisse œuvrer à l’intérieur de la Libye », conclut Al Aribi, avant de nuancer en ajoutant : « L’opportunité est toujours à saisir pour Haftar et ses défenseurs mais il ne faut surtout pas leur permettre de saper la légitimité du gouvernement de réconciliation nationale pour la simple raison qu’ils ont les commandes de l’Assemblée Nationale ».

Al Aribi explique également que l’Europe ainsi que Washington doivent s’assurer que l’escalade militaire dans les différentes villes et régions libyennes a été freinée. Et, en même temps, le gouvernement devrait travailler à ancrer ses assises politiques et à asseoir son autorité. Aussi appelle-t-il lesdites puissances mondiales à œuvrer pour trouver des médiations locales et parvenir à des accords consistant à obtenir des cesser le feu et à stopper les actes de violence entre les tribus et les milices armées en échange des services de base et des aides humanitaires.

Citant en particulier la ville de Benghazi qui est l’une des plus grandes villes de Libye et qui entretient des rapports très développés entre les différents acteurs sociaux, l’analyste fait remarquer que « la situation dans la ville est désormais en dehors de tout contrôle ».

Quant au scénario qui devrait suivre la libération de Syrte des mains de Daech, Al Aribi affirme que la ville devrait se laisser diriger par les autorités locales en attirant l’attention sur l’importance « de rendre justice aux habitants et de traiter le sentiment de marginalité sans cesse grandissant à l’intérieur de la ville ».

Notre interlocuteur relève également la nécessité de trouver un accord sécuritaire global pour assurer la ville une fois que l’organisation terroriste en sera chassée, en même temps qu’il recommande que soient poursuivis les efforts diplomatiques et politiques visant à instaurer la stabilité dans la région, à condition bien entendu que lesdits efforts soient davantage concentrés sur le niveau local et qu’ils aient pour objectif d’éradiquer la violence et les luttes armées.

Par ailleurs, Al Aribi met en doute l’efficacité des frappes aériennes menées par les avions américains à Syrte et assure que les prochains jours permettront d’établir le bienfondé militaire de ces frappes.

L’analyste précise encore que, grâce aux opérations militaires des forces alliées au gouvernement de réconciliation nationale, le territoire contrôlé par Daech à Syrte a considérablement diminué, passant ainsi de 9000 Km2 à 20 Km2 seulement, ce qui prouve que la direction libyenne des opérations militaires a joué un rôle déterminant dans la victoire réalisée.