les taux de production et d’exportation du pétrole ont considérablement augmenté et les pétroliers ont repris leur pleine activité en transportant le pétrole libyen à partir du Croissant Pétrolier à l’arrêt depuis la mi 2014.
Ce revirement de situation pousse à réfléchir sur les implications de ces nouveaux équilibres et sur les répercussions de ce changement du rapport de forces au profit du général Khalifa Haftar et des forces politiques de l’Est libyen. En effet, la prise des terminaux pétroliers a beaucoup dérangé les opposants du Général, ainsi que les autorités de l’Ouest. De plus, il ne faut pas oublier que, pendant des mois, Haftar et ses alliés de l’Est libyen ont empêché tout vote parlementaire pouvant accorder la confiance au gouvernement de réconciliation nationale dirigé par Fayez Sarraj, ce qui représente une entrave à l’exécution de l’accord de Skhirate conclu grâce à une médiation des Nations Unies dans le but d’unifier la Libye.
Par ailleurs, on ne sait pas encore comment Haftar et ses alliés comptent tirer profit de leur mainmise sur les considérables exportations pétrolières du pays, s’ils comptent les utiliser comme une carte pour obtenir des atouts politiques dans le cadre de l’accord des Nations unies ou s’ils vont étendre leur autorité politique à travers le territoire libyen. Ce qui est évident néanmoins c’est la menace que tout cela représente pour la stabilité en Libye.
Un grand diplomate de l’Ouest affirme à ce propos : « Je crois que nous devons examiner avec beaucoup de méfiance les motivations de Haftar… Je pense que, si jamais ces manœuvres venaient à prendre une mauvaise direction, beaucoup de risques pèseront sur le gouvernement de réconciliation et sur l’accord politique d’une façon générale ». Pour le moment, L’Ouest est probablement contraint à accepter la démarche de Haftar. De même, après avoir commencé par condamner la prise des terminaux pétroliers, les Etats Unis et les pays européens ont fini par joindre leurs voix à celles d’autres pays ayant « accueilli avec satisfaction le transfert des installations du Croissant Pétrolier libyen à la Société Nationale du Pétrole, ainsi que les programmes d’augmentation de la production et de l’exportation ».
Cependant, certains voient dans cette situation le début d’une sortie de crise pour les deux camps ennemis composés, d’une part et d’autre, d’alliances précaires pour et contre Haftar et se livrant mutuellement depuis 2014 à une guerre sans merci. En effet, chacun des deux clans avait établi des institutions rivales à l’Est et à l’Ouest de la Libye, ce qui a creusé davantage les troubles vécus dans le pays depuis la chute de Kadhafi en 2011. D’ailleurs depuis que les forces de Haftar ont remis, rapidement d’ailleurs, la gestion des installations pétrolières dans les terminaux à la Société Nationale du Pétrole, le travail de cette dernière n’a été interrompu que durant quelques heures seulement à cause d’une contre-attaque menée par ce qui reste de groupuscules armés prêtant allégeance à l’ancien commandant des ports pétroliers Ibrahim Al Jadhrane.
Cette dernière attaque a consacré du reste la domination absolue de l’armée nationale libyenne sur les ports pétroliers et prouvé la capacité totale des forces dirigées par le Général Haftar de défendre les terminaux, puisqu’elles ont réussi à repousser les attaquants vers la ville de Hraoua, les renvoyant à plus de 100 kilomètres à l’ouest de la région de Ras Lanouf.
Le directeur de la Société Nationale du Pétrole, Mustapha Sonâ Allah, a réagi positivement à ces derniers événements et exprimé l’espoir de voir la remise de la gestion des terminaux à l’institution nationale ouvrir la voie à une nouvelle phase faite de coopération et de cohabitation entre les différents clans politiques, dont les affrontements avaient mis à l’arrêt le plus gros de la production pétrolière libyenne. Hafter à son tour s’est montré plus conciliant, depuis qu’il a la vedette grâce aux exploits de l’armée libyenne qu’il mène brillamment de victoire en victoire à Benghazi, à Derna et au Croissant pétrolier, usant les Islamistes rigoristes et leurs alliés à une interminable guerre sanglante.
Les publications de l’armée nationale libyenne sur Internet montrent d’ailleurs que la prise des ports pétroliers avait pour objectif de protéger les ressources nationales et de lever un état de siège qui a longtemps privé la Libye d’une source de revenus importante, causant ainsi une crise financière étouffante qui n’a pas lieu d’être dans un pays riche en pétrole.
Haftar explique également dans ces publications que les forces de l’Ouest peuvent être assurées du fait que la prise des ports pétroliers ne s’inscrive pas contre la réconciliation nationale et qu’elle n’ait pas de visées politiques. Rappelons que deux semaines plus tôt, Ali Al Gatrani, allié de Haftar au sein du Conseil Présidentiel avait mis fin au boycott des dirigeants du gouvernement de réconciliation et du Conseil Présidentiel et proposé la composition d’un conseil militaire commun pour mettre un terme à la crise portant sur la direction des forces armées.
Entre temps, le Conseil présidentiel a poursuivi son travail pour présenter une nouvelle liste de ministres, demandant d’en faire autant aux alliés du parlement dont le vote est nécessaire pour légitimer le gouvernement, comme le stipule l’accord de Skhirate. Le chef du Conseil Présidentiel, Fayez Sarraj, assure également qu’il est prêt à rencontrer Haftar afin de faire avancer le processus de réconciliation.
Les propositions de Sarraj interviennent à la suite de l’avancée effectuée par les forces de Haftar qui ne sont plus qu’à 150 kilomètres de Sirte où les bataillons de Misrate alliées au gouvernement de réconciliation se trouvent sur le point de venir à bout de la campagne visant à chasser de la ville l’organisation Etat Islamique. Aussi les rivaux de Haftar craignent-ils que ses alliés de l’Ouest (à Zentane, Ouerchfana et même à l’intérieur de Tripoli) ne s’apprêtent à marcher sur la capitale libyenne.
Au vue de cette division entre les fractions de Misrate et la persistance des difficultés du gouvernement de transition à imposer son autorité sur les groupes armés à Tripoli, force est de constater que Fayez Sarraj ne dispose pas d’une large marge de manœuvre ni de grandes possibilités pour réagir. Une source diplomatique nord-africaine affirme d’ailleurs : « Je ne crois pas que le Conseil Présidentiel dispose de plusieurs alternatives ni de possibilités de manœuvres ». « Il me semble que la situation les oblige à bouger en faveur d’une solution pacifique via des négociations acceptables par la population qui a complètement perdu patience. Autrement, toute manœuvre contraire risque de renforcer la popularité de l’autre camp », conclut cette source.