Heureux d’être de retour dans leur ville libérée de Daech, mais amers de constater les ravages de la guerre sur les bâtiments, les habitants de Syrte veulent rester optimistes.
Larmes de joie
Tante Fatma, du quartier numéro 3, attendait ce retour depuis un an et demi. « J’ai quitté Syrte pendant la première vague de départs, au début de l’été 2015 quand les membres de Daech ont pris le contrôle de la ville. Ils m’avaient ordonné de fermer ma boutique de cosmétiques et n’arrêtaient pas de m’intimider. Mes proches m’ont alors conseillé de quitter Syrte avec mon mari et mes quatre filles pour avoir la vie sauve » raconte-t-elle.
Tante Fatma n’a pu retenir ses larmes en regagnant sa maison pour la première fois, elle qui attendait ce moment depuis des mois et s’impatientait après l’annonce de la libération de Syrte par l’armée le 17 décembre 2016. Il lui a fallu attendre encore deux mois, le temps de déminer la ville.
Leila, sa fille ainée, âgée de 27 ans, raconte pour sa part : « Nous avons déclaré nos données personnelles auprès de la Commission du retour des déplacés et nous nous sommes engagés à ne pas couvrir les miliciens de Daech et à ne pas les aider. Et nous voilà de nouveau chez nous. Nous nous débrouillerons pour rouvrir notre boutique. Tout le monde ici est certain que la vie reviendra à ce qu’elle était avant que Daech n’impose ses diktats sur la ville ».
Ceux qui n’ont jamais quitté le quartier sont sortis pour souhaiter la bienvenue aux revenants, exprimant leur joie de voir la vie reprendre son cours normal. Du haut de ses 9 ans, la petite Amal raconte sa rentrée des classes : « Quand l’école a rouvert ses portes, il y a deux jours, les maitresses ne nous ont pas obligées à nous couvrir la tête, et nous ont laissées jouer dans la cour pendant la récréation ».
Assurer la sécurité des habitants
Le retour des déplacés s’accompagne d’un programme de « normalisation » mis en place à Syrte : des opérations de ratissage seront effectuées pour garantir la sécurité des habitants, et les services municipaux vont être de nouveau assurés.
Selon les statistiques de la commission du retour des déplacés, formée essentiellement de civils soutenus par l’armée, 576 familles ont regagné le quartier 700 alors que 940 familles sont rentrées au quartier numéro 3.
Taha Hadid, membre de la commission explique à « Dunes Voices » : « Nous sommes soucieux de mener à bout l’opération de ratissage des quartiers pour nous assurer de l’absence de mines et garantir la sureté des citoyens » L’opération de ratissage terminée dans les quartiers 700 et numéro 3 ainsi que dans mille unités résidentielles, il se poursuit encore dans les autres quartiers selon un plan de six étapes pour le retour des déplacés. Taha Hadid note que « certaines régions sont toujours inhabitables à cause de la présence des mines, résultat de sept mois de guerre ». Il dénonce par la même occasion « le manque de soutien gouvernemental » en matière de fourniture des équipements logistiques et des détecteurs de mines, compliquant la réhabilitation des quartiers et le retour des citoyens. Taha Hadid souligne enfin le rôle des habitants qui réaménagent eux-mêmes leurs maisons ravagées.
Le maire de Syrte, Mokhtar Maâdani, avait demandé au Conseil présidentiel (du gouvernement d’Union nationale) et aux ministères concernés d’équiper la ville en matériel logistique et de dédommager les propriétaires des maisons détruites.
La ville de Syrte a ainsi été submergée par une vague d’optimisme après son retour à la vie. Mais la voie de l’espoir demeure semée d’embûches, la situation n’étant pas encore suffisamment stabilisée. En témoigne l’enlèvement du maire de Syrte et deux de ses collègues par des inconnus, le samedi 11 février 2017, sur la route les ramenant de Tripoli à Syrte.