Les rapports concernant la situation des chrétiens catholiques qui ne revendiquent aucun droit politique sont partagés. Certains disent qu’ils sont persécutés, alors que d’autres affirment qu’ils vivent une situation normale dans une atmosphère de tolérance entre les religions. Nouh Dico, le pasteur de l’unique église de Tombouctou, estime que la situation est devenue différente après l’expansion des mouvements djihadistes. « Les chrétiens ne sont plus en mesure de faire leurs prières à voix haute de peur des attaques terroristes ou des attentats-suicides comme au Nigéria, où Boko Haram prenait les églises pour cibles », a-t-il indiqué.
Il a également précisé que les minorités religieuses au nord du mali pouvaient exprimer ouvertement leurs appartenances religieuses et pratiquer leurs rituels en toute liberté, affirmant que ce n’est plus le cas, surtout avec la situation sécuritaire qui a limité les libertés.
Lajmat Mahmen, un chrétien habitant à Tombouctou, ne partage pas, quant à lui, la position du pasteur. Il estime que les musulmans gouvernent le pays et persécutent la minorité chrétienne, affirmant qu’un animateur a été assassiné il y a presque un mois alors qu’il était sur antenne dans la seule radio chrétienne du pays.
Par ailleurs, certains considèrent les chrétiens comme partie intégrante du Mali. L’imam de la fameuse mosquée de San Cori à Tombouctou qualifie la situation des chrétiens de « bonne », exprimant son soulagement quant à la situation de toutes les religions au mali, surtout après l’expulsion des groupes extrémistes des villes du nord du Mali.
« Quand on évoque le sujet de la liberté des religions à Tombouctou, ou à n’importe quel autre endroit au Mali, il ne faut pas tomber dans l’amalgame entre musulmans et extrémistes », a-t-il ajouté, affirmant que l’évangélisation reste « inacceptable » dans un pays de majorité musulmane et, surtout, illégale.
Sidou Mika, le gouverneur de Tombouctou, a appuyé cette position en affirmant que la coexistence pacifique entre musulmans et chrétiens dans la ville peut être considérée comme un exemple à suivre et un modèle de cohabitation dans le monde.
Cette coexistence entre musulmans et chrétiens à Tombouctou est dû, selon l’historien Mohamed Salem, à de vieilles racines historiques qui remontent jusqu’au début de l’introduction de l’Islam dans la région. « Après le contrôle de la région par les musulmans, les chrétiens sont devenus une minorité qui ne dépasse pas les 1% des habitants », a-t-il dit.
Il a ajouté que cette réalité a persévéré même après la colonisation française. « Les habitants ont refusé de rejoindre le christianisme malgré les efforts d’évangélisation des églises européennes, appuyées par les colons français. Les chrétiens sont restés minoritaires au Mali, et les musulmans les considèrent comme des voisins », a-t-il indiqué.