Elles répondent à l’invitation des initiatrices du projet « Interconnectées » Fatma et Fatimetou.
Fatma Oumrane El Kory est une femme pionnière en matière de Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication. Elle créa en 2001 le premier portail dédié à la femme Mauritanienne : Maurifemme. Le portail, qui fait aussi office de plate-forme de formation et de forum d’échanges, fait la promotion des femmes actives en Mauritanie et renseigne sur la situation socio-économique et politique des femmes mauritaniennes. Grâce au partage de l’information nationale, régionale et internationale, Maurifemme est devenu un outil de plaidoyer pour toutes les militantes actives de la société civile Mauritanienne.
Aujourd’hui, elle lance avec son partenaire, le Groupe des initiatives de Plaidoyer pour la participation politique des femmes, le projet « Interconnectées ».
« Deux projets m’ont toujours tenu à cœur : La Maison de la Femme et Interconnectées. Le premier n’a pas encore trouvé de financement et le second vient d’être lancé grâce à la Coopération Espagnole et son programme Massar : un programme d’accompagnement des processus de gouvernance démocratique », nous confie Fatma.
«L’objectif final du projet « Interconnectées » est d’améliorer l’information et la coordination des actions de plaidoyer sur les droits des femmes en Mauritanie afin de mettre en place une esquisse de mouvement féminin mauritanien, consensuel et concerté. Ainsi nos délégations qui nous représentent sur les scènes internationales, ne partiront plus en ordre dispersé. Elles seront mieux préparées et plus coordonnées avec une vision et des stratégies formelles ».
Pour Fatimetou Mint Saleck, coordinatrice du projet et membre fondatrice du Groupe des Initiatives de Plaidoyer pour la participation politique des femmes, le GI3PF, ce projet est l’aboutissement d’un long processus de réseautage et de plaidoyer qu’elles ont entamé depuis 2006, avec un groupe d’une vingtaine de femmes. Aujourd’hui ce groupe compte plus de cent femmes issues de la société civile et politique.
« Nous avons voulu dupliquer notre expérience locale, une expérience réussie de coordination et de collaboration, entre les forces politiques féminines, en matière de plaidoyer au niveau local, que nous avons voulu réaliser à un niveau national », nous explique Fatimetou.
« Lorsque nous nous sommes adressées à notre partenaire qui est l’agence Espagnole de Coopération pour le Développement (AECID) pour avoir son soutien financier, il nous a été proposé de collaborer avec « Maurifemme » qui possède un récépissé et qui nous a déjà offert une bonne visibilité pour nos actions, surtout pour notre pétition sur l’augmentation du quota des femmes dans les listes électorales.»
La création d’une Plateforme des femmes mauritaniennes, est d’abord l’expression d’une demande des partenaires techniques et financiers au développement de la Mauritanie, selon la coordinatrice du projet. Pour nous aussi, la fédération des actions politiques féminines devient une urgence pour faire porter nos voix et dénoncer toutes les formes de discrimination. La plateforme permettra une meilleure coordination et devra aboutir, à terme, à la création d’un mouvement féminin mauritanien.
Pour l’instant, le projet « Interconnectées » est en train d’organiser des concertations dans 4 wilayas de Mauritanie (Trarza, Inchiri, Nouadhibou et Adrar) pour tracer une feuille de route avec les femmes leaders, actives dans la politique et dans la société civile.
Cette feuille de route sera soumise à l’approbation générale lors d’un atelier national et devra proposer les activités du projet, à savoir, un agenda des femmes 2016-2017, un site web avec une base de données « Kaleidoscope féminin », l’animation d’une série d’émissions radiophoniques, la réalisation d’un documentaire sur le mouvement féminin mauritanien.
Pour Jemila, présidente d’une jeune association féminine, le projet « Interconnectées » est une excellente opportunité de visibilité pour les jeunes associations qui n’ont pas les moyens d’avoir des sites web ou qui n’ont pas encore de reconnaissance juridique. «Ma grande appréhension est d’être l’objet de tiraillements de leadership qui empoisonnent les relations entre les femmes en Mauritanie et aussi j’ai peur que ce projet reste à un niveau élitiste sans que la grande masse n’y ait accès », nous confie-t-elle.
Selon un sociologue consulté, il existe déjà quelques prémisses de mouvement féministe en Mauritanie, depuis la création de l’Etat indépendant, avec des avancées certes insuffisantes, mais bien existantes. Selon lui, plus de 50% de la population ne peut pas accepter d’être continuellement marginalisée et d’ailleurs personne ne peut l’accepter, car cela constitue un trop lourd manque à gagner.
« Le processus se fera, en principe, comme partout dans le monde » explique l’expert. « Les sociologues ont défini un certain nombre de conditions pour le développement de la participation féminine qui restent toujours d’actualité. Ces conditions peuvent se résumer dans le binôme « plus d’éducation, moins d’enfants », un binôme bijectif, c'est-à-dire que l’un fait l’autre. Ce binôme permet à la femme d’avoir du temps pour développer ses compétences et prendre progressivement sa place. »
Il dit aussi qu’il ne faut pas se faire d’illusions, car la Mauritanie est au tout début du processus, qui est généralement, relativement long. Il est incontestable que les grands obstacles à l’éducation féminine chez nous n’existent plus : le refus de l’école pour les femmes n’existe plus, même si la déperdition scolaire chez les filles demeure très importante.
Le militantisme féminin reste déterminant pour faire avancer les causes qui déterminent la cohésion sociale. D’ailleurs les sociologues affirment qu’une cause ne dévient réellement pertinente et efficace que lorsqu’elle est prise en charge par les femmes.