Tout en préférant garder l’anonymat, un enseignant de l’Université de la ville nous livre ses explications : « pendant que la ville était sous le contrôle de "Daech", de nombreux crimes y ont été perpétrés au nom de la religion, y compris de nombreuses mises à mort, ce qui a instauré un état de terreur qui, encore aujourd’hui, paralyse les habitants. Ces derniers ont même peur de témoigner auprès des médias de ce qu’ils ont vécu».
Selon lui, la situation en Libye pourrait encore connaître des revirements, y compris la possibilité d’une réapparition de "Daech" dans d’autres villes. « Des nouvelles rapportent d’ailleurs l’existence de camps d’entraînement pour les combattants de l’Etat Islamique dans les banlieues de la villes de Beni Oualid », ajoute-t-il.
Et malgré le retour progressif de la ville à un semblant de vie normale, la plupart de ses habitants demeurent hantés par la même méfiance. « Tous ici craignent l’existence de cellules dormantes de "Daech", que ce soit à l’intérieur ou aux alentours de la ville et c’est la raison pour laquelle d’ailleurs nous ne sortons que pour nous approvisionner en vivres de première nécessité, sans jamais nous aventurer dans des zones à risques », nous confie une habitante d’Al Jizah Al Bahriya, le quartier de Syrte où l’armée libyenne a eu le plus de mal à dégager les hordes récalcitrantes de "Daech".
Réhabilitation de plusieurs quartiers de la ville
La peur paralyse donc toujours les habitants de Syrte, même si la Société Générale des Services de Propreté a déjà entamé une vaste campagne de rénovation dans la plupart des quartiers ouest de la ville. Une source du bureau de communication de la société précise par ailleurs que la campagne avait démarré à la fin du mois de décembre dernier et a touché le quartier de Zaafarane qui compte 700 logements, ainsi que nombre d’institutions de services tels que les hôtels, les centres médicaux et les établissements scolaires, avant de se propager au reste des quartiers de la ville.
La même source, explique également au correspondant de Dunes Voices que la campagne concerne aussi les routes principales et secondaires dans ces quartiers, avec pour objectif de les débarrasser des barrières de sable et de béton, ainsi que d’autres traces de la guerre. Elle ambitionne même de rétablir les affiches publicitaires et de réparer celles qui ont été abîmées pour retrouver un effet de normalité. Il est question par ailleurs de réhabiliter plusieurs ronds-points aux entrées est, ouest et sud de la ville en y plantant des roses et des fleurs. L’un de ces ronds-points, celui de Zaafarane, avait été le théâtre d’exécutions de nombreux jeunes de Syrte et de mises en scènes macabres de la part de Daech, du temps où la ville était encore sous leur contrôle.
Dans le cadre des efforts consentis pour reconstruire la ville, le directeur du bureau des eaux de Syrte affirme par ailleurs que les techniciens d’entretien ont déjà procédé à « l’entretien et à la réparation des pannes survenues sur les lignes de distribution de l’eau des quartiers n° 2 et n° 3 et qui avaient été lourdement endommagées pendant la guerre, ce qui avait provoqué des fuites au niveau de l’ensemble du réseau ; cela en plus du traitement des canaux d’évacuation des eaux usées, imposé par les dernières fortes pluies ».
Aussi ces travaux sont-ils bien perçus par la population, heureuse de voir à nouveau des services qui fonctionnent dans la ville. « C’est bien que les sociétés de services fassent des efforts pour reconstruire la ville mais il faut comprendre la peur des habitants qui craignent pour leur vie. Quiconque aurait vécu ces jours sombres ne pourrait les oublier facilement… », nous confie un vieux septuagénaire originaire de la ville… Des mots qui résument toute la souffrance des habitants de Syrte et qui confirment l’idée que la repris de la ville ne signifie pas le retour de l’apaisement en Libye.