malgré l’installation de nombreux dispositifs de contrôle aux frontières tuniso-libyennes et malgré la grande importance accordée par l’Algérie, depuis 2011, à la protection de ses frontières avec la Libye, ces frontières où la circulation est pourtant réduite, étant limitée au transit de quelques passagers.
Les services de sécurité algériens ont d’ailleurs mis en garde leurs unités postées près de la frontière libyenne contre une recrudescence de la contrebande des armes en provenance de Libye. Les premiers six mois de l’année 2016 ont en effet affiché le plus haut niveau de saisie d’armes transitant illicitement à travers les frontières. Celles que craint particulièrement les unités sécuritaires algériennes sont les armes de pointe telles que les missiles en tous genres, vu le danger extrême qu’elles représentent pour la paix en général.
Les rapports de police provenant des différents services de renseignement dans la région font état d’un regain d’activité chez les contrebandiers qui ne cessent de faire passer les armes de la Libye vers le sud-est algérien. Plusieurs fois d’ailleurs, dans Tamanrasset, à deux mille kilomètre au sud d’Alger, de grosses réserves d’artillerie ont été saisies dans des dépôts appartenant à des terroristes et dissimulés au cœur du désert. Depuis 2012, pas moins de quatre mille pièces, de calibres différents ont transité en provenance des stocks de Kadhafi.
Lesdits rapports, dont Dunes Voices a pu se procurer le contenu, révèlent en effet que de grandes quantités d’armes ont été saisies dans divers dépôts situés dans le désert. La police algérienne est d’ailleurs parvenue à démanteler de nombreuses bandes de malfaiteurs spécialisées dans la contrebande et directement impliquées dans ces opérations. Les membres de la plus dangereuse d’entre elles ont été arrêtés entre les provinces de Tebessa, El Wad, M’sila et Batna et sont actuellement soumis à une instruction judiciaire afin de pouvoir délimiter les ramifications internationales du réseau. Parallèlement à cela les armes saisies font l’objet d’une expertise visant à en définir la provenance exacte.
En effet, dans le cadre d’une enquête réalisée à cette fin par les appareils de sécurité algériens, les services chargés de la question se sont mis à soumettre toutes les armes venant de Libye à une expertise systématique dans des laboratoires spécialisés pour s’assurer de leur origine exacte.
Par ailleurs, de tout ce qui se pratique sur les frontières libyo-algériennes, l’activité la plus dangereuse demeure la contrebande d’artillerie semi-lourde consistant à faire transiter des missiles anti char, des missiles katioucha ou des mortiers Hawn, armes généralement destinées aux groupes terroristes. Parallèlement à cela, et depuis que la police algérienne a découvert dans le sud du pays plusieurs lance-missiles sol-air Stinguer, et que les services de sécurité libyens ont déclaré avoir saisi, près de la ville de Sabrata, un nombre important de missiles Strilla qui étaient en route vers l’Algérie, il devient évident que les redoutables missiles sol-air, tirables à l’épaule, représentent à nouveau un grand danger qui guette aussi bien les pays du Maghreb que certaines capitales européennes.
D’autre part, certains spécialistes de ce dossier affirment que les gangs du crime organisé font parfois passer certains types d’armes afin de les utiliser pendant les opérations de contrebande de stupéfiants. D’autres par contre pratiquent cette activité à des fins lucratives, dans la mesure où les armes qui transitent de Libye vers l’Algérie sont vendues par la suite par les contrebandiers au marché noir algérien. Il s’agit le plus souvent de pistolets et de fusils.
Ainsi, la coalition entre les groupes terroristes et les contrebandiers est devenue un fait incontestable, comme c’est écrit d’ailleurs dans le rapport des Nations Unies, rédigé le 20 juillet dernier et révélant que « l’organisation terroriste "Al Quaida du Maghreb Islamique" (AQMI), l’organisation alliée "Al Mourabitoun", ainsi que le groupe "Ansar Addin" sont parvenus à nouer des alliances avec des groupes armés en Libye, afin de pouvoir faire transiter des armes ainsi que des personnes et de pouvoir assurer la présence et la libre circulation de Mokhtar Bel Mokhtar dans tous les coins du pays ».
Il va sans dire donc que les armes libyennes accessibles aux groupes terroristes leur ont rendu facile de perpétrer leurs attaques. D’ailleurs, au mois de février 2014, un groupe de bandits, dont un proche d’Abdelhamid Abou Zid, dirigeant d’Al Quaida du Maghreb Islamique tué dans la guerre du Mali, a effectué un braquage armé au bout duquel ont été confisqués deux véhicules 4 X 4 appartenant au groupe pétrolier national SONATRACH. Cela s’est passé en plein désert, non loin de la base pétrolière Tiaft, sur la route reliant les provinces d’Illizi et de Tamanrasset. Au cours de cette opération ont été utilisés des kalachnikovs venant en contrebande de Libye.
Au cours de ce qu’on a applé « une mesure de prévention », les services de sécurité algériens ont renforcé les points de contrôle afin de sécuriser les voies et les passages difficiles d’accès. Ceci, en plus des postes de garde dans les zones connues pour être fréquentées par les passeurs d’armes au cours de leurs échanges avec les membres de l’AQMI ou pour faire transiter leur marchandise à travers les pistes vers la wilaya de Oued Souf, mitoyenne de Ghedames. Ces armes sont par la suite dissimulées dans des caches secrètes enfouies au fond de la terre et recouvertes de sable, en attendant le moment opportun de les écouler aux quatre coins du pays.
Il y a quelques mois, se sont déroulés les procès de personnes accusées d’appartenir à deux réseaux de trafic d’armes actifs sur les frontières libyo-algériennes. Les procès ont eu lieu aux tribunaux d’Ouargla et de Biskra au sud-est d’Alger. Les procès verbaux de l’instruction à laquelle avaient été soumis les accusés comportent certains détails des opérations de contrebande, de même que l’on apprend, parmi les accusés, figurent des personnes de nationalités différentes : algérienne, libyennes et même nigérienne. L’on apprend aussi que les membres de ces réseaux achètent les armes à des groupes libyens non identifiés, dans un lieu qu’on appelle « Al Katroun », avant de les revendre plus tard en Algérie.
Les mêmes procès verbaux indiquent également que les accusés ont fait transiter à travers les frontières libyo-algériennes des mitrailleuses et des lance-roquettes RPG-7, de même qu’ils attendaient le moment opportun pour faire passer une cargaison transportant des missiles Stinguer et de l’artillerie Katioucha, RPG-7 et Hawn, ainsi que des pistolets et des fusils.
Malgré l’intransigeance de la loi algérienne à l’égard de la contrebande d’armes, les sanctions pouvant aller jusqu’à la prison à perpétuité, cette activité illicite persiste encore, comme l’attestent les rapports des services de sécurité. Aussi est-il de première urgence de soutenir les dispositifs de lutte contre ce phénomène.