Le rapport 2015 de Reporters Sans Frontières, sur la Libye, parle de sept cas d’assassinats et de 37 opérations d’enlèvements de journalistes, ce qui place notre pays à la 154ème place mondiale en matière de liberté des médias. La Libye est la 17ème au monde arabe et la dernière à l’échelle maghrébine.
Reporters sans frontières souligne comment les journalistes libyens assistent à cette situation de chaos indescriptible, qui a poussé plus de 40 journalistes à choisir l’exil forcé, tant l’activité journalistique est devenue impossible. Même la couverture des échanges de feu entre les milices est devenue un acte de bravoure.
Ridha Fehil, journaliste avec Libya International, est l’un de ces forcés à l’exil. Ses tracasseries ont commencé depuis 2011 lorsqu’il a déclaré dans l’une de ses émissions que les extrémistes religieux s’étaient infiltrés dans les rouages du ministère des affaires religieuses. Laquelle position m’a coûté le dangereux qualificatif de libéral et je commençais à recevoir des menaces. Et depuis, j’assumais toutes les erreurs de la chaine.
Ridha poursuit que ces menaces ont doublé d’intensité lorsque j’ai critiqué le Mufti en février 2013 et lorsque j’ai pris la défense des femmes qui ont subi des violences verbales parce qu’elles n’étaient pas voilées, dont Aïcha El Maghrebi et la journaliste Sana Mansouri. Le comble a été atteint lorsque le Mufti a publié un communiqué condamnant la télé Libya International, notamment mon émission et moi-même, considéré comme un opposant à l’Islam. C’était pourtant avant la guerre de Tripoli, précise Ridha Fehil.
C’était en début septembre 2014. Fehil a décidé de quitter pour la Tunisie. « Mon retour en Libye est susceptible de me coûter ma vie à l’instar de tout journaliste ayant travaillé pour un organe de médias pro-Haftar, voir même anti-Frères musulmans », pense-t-il. Cet avis est partagé par le journaliste Tarek Houni qui a été enlevé pour avoir couvert les incidents de Gharghour. Houni a quitté Tripoli en novembre 2014. « C’est le tribut payé par tout journaliste voulant garder son authenticité journalistique », dit-il avec amertume, en assurant qu’il « ne pense pas du tout rentrer en ce moment ».
Tarek Houni était le Directeur exécutif de la télé nationale libyenne. Il considère que le professionnalisme a disparu de la scène médiatique libyenne du moment que les médias sont devenus des outils de combat dans la guerre des milices en Libye. Dans le même cadre, le président du centre libyen de la liberté des médias, Mohamed Najem, a déclaré que les journalistes libyens ont vécu sous haute pression durant les deux dernières années. Ils ont subi, selon lui, un nombre indéfini de violations, notamment après Juin 2013. 2014 reste pour Najem la pire année vécue par les médias en Libye.
Par ailleurs, Najem rappelle que son centre attire régulièrement l’attention sur les violations subies par l’activité médiatique. Plusieurs correspondances ont été adressées au parquet pour lui demander de répertorier les dépassements afin d’ouvrir des enquêtes et poursuivre en justice les auteurs des crimes. Ces requêtes sont restées lettres mortes.
Interrogé sur la différence de l’environnement du travail médiatique entre la Tunisie et la Libye, Najem a déclaré que la différence est fondamentale. Toutefois, il a souligné que les journalistes libyens, travaillant à partir de la Tunisie, sont quasiment isolés de la réalité de leur pays. Najem est pour le retour des journalistes chez eux, une fois la situation s’est rétablie.