La société libyenne traverse aujourd’hui des circonstances particulièrement difficiles qui pèsent très lourd sur le peuple. Les Libyens en ont d’ailleurs très chèrement payé le prix aussi bien par le sang que par le coût de la vie quotidienne et il devient désormais urgent pour tout gouvernement qui chercherait à se stabiliser d’amener les changements escomptés en termes de sécurité et d’amélioration des conditions de vie élémentaires. Tel est le premier pas en avant auquel aspire le peuple libyen, toutes catégories sociales confondues : une meilleure situation sécuritaire et moins de violence et de corruption.
Car les cinq années écoulées depuis que Kadhafi a été déchu n’ont pas amené la moindre amélioration de la situation libyenne, en particulier au niveau de la sécurité et de la stabilité qui ne sont plus qu’un lointain souvenir dans de nombreuses villes libyennes où ce sont les armes, les milices et les attaques fréquentes qui font désormais la loi. C’est d’ailleurs ce qui a poussé les différentes missions diplomatiques ainsi que la majorité écrasante des étrangers installés en Libye à quitter le pays. Chaque citoyen libyen est aujourd’hui abandonné à son sort, craignant pour ses jours, au milieu d’un tourbillon de violences inouïes, et de cruautés aveugles perpétrées par les milices armées.
Ce qui complique davantage la situation, c’est que le chaos et l’insécurité qui règnent en maîtres dans la Libye de l’ère post Kadhafi sont le fruit de l’absence totale d’un pouvoir central suffisamment fort pour tenir la situation en main, en particulier avec cette large propagation d’armes dispersées entre d’innombrables milices et avec l’intervention de l’OTAN pour bombarder le territoire libyen. Car ce qui s’est produit dans le pays durant les deux dernières années ne pouvait en aucun cas mener vers la construction d’un état de droit et d’institutions et c’est d’ailleurs ce qui rend difficile pour Fayez Sarraj de prendre le contrôle de la situation. Hier encore, les dépôts d’armes, aussi bien légères que lourdes, étaient ouverts à quiconque voulait se servir, ce qui représente un danger considérable pour les institutions de l’état civil, non seulement en Libye mais encore dans l’ensemble de la région.
Depuis 2013, Ali Zeydane, alors chef du gouvernement libyen, avait reconnu que son pays servait de base arrière à l’exportation d’armes vers de nombreux pays de la région. Il avait aussi demandé une aide internationale pour mettre fin à la prolifération des armes en Libye. « La circulation de ces armes est une menace pour les pays voisins également ; c’est pourquoi il faudrait une collaboration internationale pour la stopper », avait il affirmé en insistant sur le danger sécuritaire de taille que représente pour son pays la vaste propagation des armes qui passent en contrebande aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays à travers les combattants des groupes armés qui cherchent à tuer les gens et à faire régner la terreur. « Nous voyons tous les jours des combattants armés se faire la guerre entre eux… Le problème c’est que les armes sont accessibles aux citoyens et aux jeunes. On en trouve dans les maisons et elles sont stockées partout… ».
Selon un rapport rédigé par des experts du Conseil de Sécurité des Nation Unies, la Libye est devenue durant les quatre dernières années une importante source et une destination privilégiée des armes dans le monde. Des cargaisons illégales d’armes ont ainsi été repérées en direction de près de douze pays, chargées d’armements légers et d’artilleries lourdes, y compris des systèmes de défense aérienne, des munitions et même des mines.
L’armement anarchique est donc la principale cause de la détérioration de la situation sécuritaire en Libye. Les gouvernements qui se sont succédé n’ont jamais réussi à ramener les milices vers la vie paisible ni à les intégrer dans les nouvelles institutions sécuritaires comme l’armée et la police. Ainsi, la rue demeure toujours sous le contrôle de milliers de combattants armés qui font la pluie et le beau temps sur de larges pans de l’est et de l’ouest libyens et cela, malgré les efforts de Ali Zeydane qui, dès 2013 avait constitué une commission qui avait pour rôle de coordonner les procédures visant à désarmer des milices. Telle est d’ailleurs aujourd’hui la mission principale de Sarraj, en vue de prendre le contrôle de la situation.
Ce qui est attendu également du gouvernement Sarraj, c’est de trouver une solution au phénomène de polarisation politique et de réussir à obtenir un consensus, notamment un compromis politique, au sujet de l’avenir du pays. Il lui faudra aussi résoudre le problème des tendances séparatistes de certains habitants de Barka, trouver un arrangement pour donner satisfaction aux revendications constitutionnelles des Touareg de Libye et surtout, voire même avant tout, traiter l’intraitable problème de DAECH à Sirte. En effet, la lutte contre le terrorisme est la priorité de tout gouvernement en Libye en même temps qu’elle est d’une importance primordiale non seulement pour les pays voisins mais aussi pour l’ensemble de la communauté internationale.
Le profil de l’avenir libyen est encore obscur et il revient à Sarraj de rapprocher les points de vue politiques et de freiner les élans des groupes armés afin de pouvoir concentrer ses efforts sur la lutte contre le terrorisme. Il lui faudra également s’occuper de l’anarchie qui règne sur les frontières du pays et qui fait le bonheur des pègres de la contrebande et des réseaux de l’immigration clandestine. La tâche est loin d’être facile, certes, mais l’espoir est permis.
.