Après la révolution, les défis pour sauvegarder ses acquis se sont multipliés… On cite les défis sociaux liés à la sensibilisation des libyens mêmes sur l’importance de l’activation du rôle de la femme, et les défis politiques liés aux craintes quant aux orientations islamistes extrémistes qui pourraient inclure des articles dans la constitution stipulant la régression dans les acquis de la femme » a déclaré Samira Messaoudi, présidente de l’Union des femmes libyennes.
Et d’ajouter : « la femme est la moitié de la société… alors si nous voulons bâtir un Etat civil et moderne, comment peut- on exclure la moitié de la société ? ». Cependant, malgré tous ces efforts de la part de la société civile, et malgré l’organisation de manifestations, l’évocation du sujet dans les médias, les pétitions présentées aux gouvernements transitoires et les contacts avec les organisations internationales visant à faire pression sur les politiques libyens, la femme libyenne, dont une grande partie des droits est bafouée, demeure victime de discrimination. Le tout dans un climat de craintes liées à l’ascension des courants extrémistes et à la prolifération des conflits armés.
A cause de cette réalité amère, la femme libyenne est le grand perdant de la révolution et du conflit armé. Cette réalité a également fait en sorte que la femme libyenne perde la sécurité et la stabilité, deux notions clés pour son envol vers un avenir meilleur, au sein de l’Etat dont elle a toujours rêvé, à l’instar de tous les Libyens, un Etat basé sur la suprématie de la loi, sur le respect des droits de l’homme et des libertés générales et personnelles et sur la non-discrimination entre les citoyens selon le sexe, l’appartenance ou autre.
Il est clair que la femme libyenne a été, durant les trois dernières années, victime de maltraitance, de violence, de torture, d’emprisonnement, de viol, de séquestration et de liquidation comme c’est toujours le cas durant les guerres. Et malgré l’absence de statistiques officielles concernant le nombre de femmes violentées ou victimes d’un autre préjudice, les faits sont bien là. En l’absence d’un Etat capable d’imposer la sécurité et la justice, les femmes libyennes font face à divers types d’agressions… Qu’elle soit simple citoyenne, ou femme politique, activiste, écrivain ou journaliste, la Libyenne est tout le temps menacée, en témoigne l’abominable assassinat de l’avocate, activiste politique et membre fondateur du Conseil national transitoire, saloua Bouguiiguis ou celui de Fariha Barkaoui, membre du Congrès national, et tant d’autres victimes. Elles sont devenues des icônes symbolisant la femme libyenne militant jusqu’à la mort pour la construction d’une patrie et pour les droits de l’homme spécialement ceux des femmes.
Les dépassements en matière de droits sont d’ailleurs innombrables et touchent directement la femme libyenne sur plus d’un plan… Elle est martyre, mère de martyr ou d’un kidnappé… elle peut bien être sa sœur, sa femme ou son épouse… Elle est une mère au foyer dont les proches se sont dispersés, et membre d’une grande famille éparpillée dans les quatre coins de la Libye… Elle est celle dont le foyer qui la logeait avec son mari et ses gosses a été détruit… Elle est réfugiée ou immigrée souffrant d’expatriation et de pauvreté.
Et malgré quelques initiatives visant à fournir un soutien psychologique et social aux femmes, cette situation caractérisée par l’injustice et la violence subies par la gente féminine ne change pas à cause de l’influence limitée des programmes adoptés en collaboration avec l’institution « Femmes du changement » et avec le groupe de la campagne « la guerre m’a violentée »… Personne ne nie l’importance des cycles organisés en faveur des femmes immigrées afin de faire la lumière sur les répercussions psychologiques et matérielles du conflit armé sur elles et sur l’importance de mécanismes et des institutions pour protéger les femmes d’un tel conflit. Tout le monde est toutefois conscient qu’il faudrait une action plus profonde pour influer sur la société et fournir par conséquent un soutien psychologique aux femmes… Il faudrait également diffuser des émissions à la radio et à la télé pour faire la lumière sur le conflit armé et ses répercussions sur la vie des femmes et sur leur psychologie.
Pour leur part, la société civile et les organisations féministes libyennes œuvrent à consolider le statut des femmes dans le paysage politique en Libye, à travers nombre d’initiatives dont une partie vise la sensibilisation quant à l’importance de la participation de la femme dans la prise de décision et la récupération de ses droits, et une autre partie va dans le sens de la constitutionnalisation de ces droits.
La femme libyenne, à l’instar des femmes arabes souffrant d’extrémisme, de terrorisme et de tentatives d’islamisation des sociétés, fait face à plusieurs dangers menaçant ses quelques acquis. Pour cela, elle défend vigoureusement son statut au sein de la société et son droit à être partie prenante dans le domaine économique et celui politique. Il est à noter que le Conseil national ne comprenait lors de sa création que 33 femmes sur un total de 200 membres… La chambre des députés ne comprend, pour sa part que 30 députées sur un total de de 188, ce qui est relativement bien par rapport à la majorité des pays arabes, mais demeure loin des aspirations de la femme libyenne.
A observer la représentativité de la femme dans les gouvernements post-révolution, nous constatons qu’elle est faible. A titre d’exemple, le gouvernement Abderrahmane Al Kib n’a accordé que deux portefeuilles ministériels aux femmes, celui des Affaires sociales (Mabrouka Al chérif Jebril) et celui de la Santé (Fatma Hamrouche). Pareil pour le gouvernement Ali Zaidane qui a également accordé deux portefeuilles aux femmes, celui des Affaires sociales ( Kemla Mezzini) et celui du tourisme (Ikram Bech Imem).
Certaines militantes des droits des femmes ont, toutefois, affirmé que la présence des femmes au sein du Congrès national et au sein de la chambre des députés constitue un pas positif en soi dans les premiers rendez-vous électoraux qu’a vécu le pays. Pour cela, ces militantes ne ratent aucune occasion, que ce soit sur le plan local ou international, pour appeler à accorder aux femmes un rôle plus important dans l’élaboration du processus politique en Libye, notamment dans la mise au point de la constitution. Elles ne cachent, toutefois, pas leurs craintes de voir la révolution à laquelle la femme libyenne a pris part se transformer en handicap limitant les acquis des femmes sur tous les plans.
Une chose est sure : le chemin de l’émancipation de la femme libyenne est encore long …