Jamil Al Maliki, blessé lors des derniers affrontements en Libye, déclare: «Je suis entré en Tunisie en état critique suite à mes blessures. A l’aéroport, un flic m’a interrogé sur mes blessures et sur mon affiliation politique. Lorsque j’ai dit que je suis de Fejr Libya (l’Aube de la Libye), il m’a humilié et m’a qualifié de terroriste. Je n’ai pas pu me retenir et lorsque j’ai réagi, j’ai été arrêté pendant 9 jours».
Selon le Secrétaire général du Syndicat tunisien des Médecins du Secteur privé, Dr Fawzi Ben Qurra, «On ne soigne pas les blessés libyens différemment selon leurs affiliations politiques». Il précise: «En 2011, le traitement des blessés était spontané, voire solidaire à la révolution et ses victimes. Cette donne a changé en 2014 et la plupart des blessés choisissent de se soigner dans des cliniques privées». Bien que «d’une manière générale, les libyens tardent à payer les frais de leurs soins» selon Ben Qurra.
Dr Ben Qurra nie que les médecins traitent de manières différentes les blessés libyens selon leurs appartenances politiques. «Les médecins tunisiens ne sont pas de parti pris» a-t-il dit «car, la plupart d’entre eux ne savent pas ce qui se passe exactement en Libye». Ben Qurra reconnaît qu’ «il se peut qu’il y ait tout de même des ségrégations, mais ça serait des cas très rares».
Il appelle la Libye, enfin, «à se coordonner avec les responsables directs du secteurs privés en Tunisie ainsi que le Syndicat tunisien des Médecins du Secteur privé».
Le journaliste libyen Adel Aziz Issa pense que «l’alignement des autorités tunisiennes est très clair, même sur le plan humanitaire». Selon lui «les autorités tunisiennes font passer un interrogatoire à certains blessés, mais elles accueillent, installent et soignent sans questions d’autres, notamment les blessés de l’opération Al Karama (la dignité)».
L’appartenance politique des blessés de guerre en 2011 et 2014 expliquerait qu’ils soient traités d’une manière différente ? Mais, cela est-il affecte-t-elle l’éthique du métier de la médecine ?
Dr. Fawzi Charafi raconte que «lors de la guerre de libération de la Libye, les médecins tunisiens ont reçu à des bras ouverts les blessés de la guerre. Nous en avons acheminé certains à Tunis. Moi personnellement», précise-t-il, «je suis parti jusqu’à Benghazi pour évacuer des blessés vers Tunis où ils ont eu droit aux soins requis. Notre soutien à la révolution libyenne et ses blessés était tel que nous n’avons rien demandé contre les soins de beaucoup de blessés».
Dr Charaf reconnaît que «certaines cliniques privées, par souci de sécurité, interrogent les blessés sur leurs appartenances». Il rapporte un incident qui se serait déroulé dans la clinique Tawfigh, entre deux blessés de guerre libyens: l’un est aux côtés de «Fajr Libya (l’Aube de la Libye)», l’autre de «Al Karama (la Dignité)». Ce heurt aurait pu être évité, selon lui, si les deux blessés étaient éloignés l’un de l’autre. D’où «le devoir de se renseigner sur les appartenances des blessés, ne serait-ce que pour empêcher ce genre d’agressions à l’intérieur des hôpitaux tunisiens».
Dr Charaf ne nie pas que «certains cliniques ou hôpitaux interrogent les blessés, par soutien d’un tel ou tel groupe libyen. Ce qui ne va pas avec le professionnalisme et le respect de la déontologie». En principe, poursuit-il, «le patient est patient quel que soit son affiliation: c’est ce qu’exige la déontologie. Et si nous portons assistance aux blessés de guerre, cela ne veut pas dire que nous appartenons à leurs groupes» a-t-il déclaré.
Dr Charaf a évoqué une question qui arriverait aux lèvres de beaucoup de tunisiens: «pourquoi apportez-vous assistance à des blessés de guerre terroristes ?». Selon lui, le peuple tunisien a le droit d’être rassuré par rapport à ce genre de questionnements. «Ne serait-ce que pour épargner la Tunisie de tomber dans la même dérive».
L’absence d’hôpitaux libyens opérationnel et leurs manquements potentiels constituent la première cause des souffrances des blessés libyens.