Le fils de Mahmoud, l’un des habitants de Tripoli, est à son vingtième jour de vie et n’a toujours pas fait de vaccin. Le père s’en plaint en disant : « Je me suis rendu dans plusieurs villes et j’ai contacté mes amis par téléphone dans l’espoir de trouver ce que je cherche mais la réponse est la même à chaque fois : une foule immense aux centres de soins médicaux et pas de vaccins ».
Par ailleurs, un grand nombre de citoyens, notamment ceux qui viennent des zones reculées du pays, ont exprimé leur mécontentement et leur déception par rapport à l’absence de médicaments et de soins médicaux.
Pour sa part, Dr. Ahmed Souissi, directeur des services médicaux à la Direction de la Santé de Benghazi nous informe que, depuis le milieu de l’année dernière, l’administration n’a reçu ni médicaments ni vaccins. Il précise aussi que « les agents du personnel de la Direction risquaient leur vie pour se procurer des médicaments dans les zones de conflit » en assurant que si « le cadre médical et paramédical se charge des services médicaux, la difficulté demeure néanmoins le manque de médicaments ». Dr Souissi nous fait enfin remarquer que l’administration des Service Médicaux a écrit des centaines de fois au Ministère de la Santé, sans aucune réponse jusqu’à ce jour.
Préférant garder l’anonymat, une médecin travaillant au Centre du Chott pour les Soins Néphrétiques, décrit la situation comme « une réalité amère », ce qu’elle explique en disant : « Le Centre souffre de multiples carences, au niveau même des produits élémentaires. Ainsi, par exemple, le produit qu’on utilise pour les lavages n’est pas disponible, de telle sorte que le patient est obligé de se le procurer lui-même dans les pharmacies en le payant plusieurs fois le double de son prix ». La médecin précise encore que le Centre a contacté le Conseil Municipal de Tripoli qui a répondu par l’absence de liquidité et que c’est au Ministère de la Santé qu’incombe la responsabilité de dispenser les médicaments.
Un autre médecin travaillant à l’Institut National d’Oncologie de Sabrata affirme que la plus grande pénurie enregistrée actuellement touche les médicaments de chimiothérapie qui sont très couteux, au point qu’une seule dose peut atteindre les 1000 dinars. Il ajoute : « Nous avons été très étonnés par cette pénurie, dans la mesure où l’Institut National d’Oncologie est le plus grand établissement de soins réservé aux malades du cancer en Libye et qu’il admet des patients venus de toutes les régions du pays. Nous ne nous attendions pas à ce qu’il soit abandonné par le Ministère de la Santé ».
De son côté, le Ministère de la Santé Libyen certifie dans ses communiqués que la pénurie de médicaments trouve son origine dans le manque de liquidité et dans le fait que les financements demandés n’aient pas été accordés. Et, de fait, selon un communiqué publié par le Centre de Lutte contre les Maladies, c’est l’absence des subventions nécessaires à l’achat des médicaments qui a empêché la livraison de cargaisons de remèdes ayant pourtant déjà fait l’objet d’un accord d’importation selon des critères préalablement établis.
Notons par ailleurs que des chiffres officiels indiquent qu’environ 700 millions de dinars libyens (soit, à peu-près, 507.2 millions de dollars) sont réservés chaque année au dispositif des équipements médicaux qui assure aussi l’importation des médicaments pour le compte des hôpitaux publics.
D’autre part, le directeur exécutif des vaccins, M. Sadok Elbhilil explique que la raison principale de la crise réside dans le retard pris sur l’attribution du budget du Ministère. La même source ajoute : « Nous avons essayé de redistribuer le surplus des stocks de vaccins attribués à certaines régions, ainsi que les stocks laissés en réserve. Et aujourd’hui, toutes les quantités dont nous disposions sont épuisées, d’autant que le nombre de migrants a augmenté et que les délais d’expéditions ont été retardés ».
Le responsable a enfin assuré que les vaccins commencent à arriver de fait et que certains ont d’ores et déjà été distribués, tandis que d’autres sont encore en train d’être testés.