La guerre qui bat son plein à Benghazi, ainsi que les affrontements armés de plus en plus aigus depuis le début du mois d’octobre dernier ont en effet affecté tous les centres présentant des services de santé dans la ville.
En effet, les hôpitaux actifs dans la ville ne sont plus que quatre : le Centre Médical de Benghazi spécialisé en médecine interne, en chirurgie polyvalente et en gynécologie obstétrique, l’hôpital pédiatrique de Benghazi, l’hôpital Al Jalaa spécialisé en chirurgie poly traumatique et l’hôpital psychiatrique dont le staff médical et les patients se sont dispatchés sur deux écoles et un cabinet de groupe.
Par ailleurs, le personnel soignant de ces hôpitaux n’a pas été épargné par la guerre, non plus. En effet, certains ouvriers étrangers ont été contraints de quitter la ville, d’autres, libyens, sont partis ailleurs tout comme de nombreux habitants de Benghazi. Des médecins ont également quitté leurs postes dans les hôpitaux après avoir été humiliés et battus par des personnes armées ou par des parents de malades et de blessés décédés… de même, l’insécurité empêche les familles des jeunes filles et des femmes travaillant dans le secteur de la santé de les envoyer au travail de crainte qu’il ne leur arrive quelque chose en cours de route. C’est d’ailleurs la même raison qui empêche de nombreux employés de parvenir jusqu’aux centres de santé.
Toutefois, l’insécurité n’est pas seule responsable des maux des hôpitaux de Benghazi. La pénurie de produits d’anesthésie près-chirurgicale, de certains médicaments ainsi que des produits de dialyse représente également une part importante du problème.
A ce sujet, Khalil Gouider, responsable du bureau de communication au Centre Médical de Benghazi affirme : « Les sociétés de médicaments ont beau couvrir une part des besoins, la pénurie demeure toutefois bien sensible ».
« Ce qui a aggravé le problème c’est la destruction du siège du dispositif d’approvisionnement médical lors des affrontements qui avaient eu lieu l’année dernière. Cela a provoqué une insuffisance importante au niveau de la couverture des besoins en médicaments de base qui est venue s’ajouter à la pénurie des produits d’importation qui ne nous parviennent plus aussi facilement qu’avant, à cause des circonstances actuelles », explique encore Gouider.
Le personnel médical et les employés des hôpitaux fermés par la guerre ne se sont pas arrêtés de travailler pour autant. Ils ont choisi de rester actifs en collaborant avec le Centre Médical de Benghazi et en prenant part au planning hebdomadaire des admissions et des urgences. Le responsable du bureau de communication du Centre indique néanmoins que les employés couvrent actuellement 60 % seulement de l’effectif nécessaire pour faire fonctionner correctement le Centre. En effet, le personnel médical de la coopération étrangère, estimé à 50% de l’ensemble des cadres, a quitté le territoire libyen.
La directrice du bureau de communication de l’hôpital Al Jalaa, Fadia El Barghthi décrit l’état des choses dans son hôpital en affirmant : « La situation est critique à l’hôpital. Les remèdes et la fourniture médicale manquent énormément… Même les sociétés spécialisées dans l’importation des médicaments ne veulent plus nous approvisionner à cause des défauts de paiement récidivants de l’hôpital. C’est le chaos total… Pour prendre des nouvelles de leurs camarades de combat, les miliciens se promènent armés dans l’établissement, jusque dans la salle des soins intensifs, ce qui effraie et terrorise le personnel médical, les ouvriers et les familles des autres patients ».
Mais, malgré l’insécurité, les difficultés de verser les salaires des employés du secteur, la pénurie de médicaments, de fourniture et d’instruments médicaux ; malgré de nombreux dépassements aussi, il n’en demeure pas moins que les hôpitaux restés ouverts continuent de fonctionner et d’offrir leurs services aux habitants.
Dr Siraj Zentani, conseiller médical et chirurgien neurologue, confie à ce propos : « Certes, nous sommes confrontés à de grandes difficultés dans les blocs opératoires, de même que nous travaillons dans des conditions inadmissibles pour n’importe quel autre chirurgien… Mais malgré tout cela, nous devons continuer à travailler, et nous continuerons à effectuer des interventions chirurgicales graves, même avec des moyens moins que rudimentaires… ».
Om Aïcha nous raconte sa rude épreuve avec le cancer du sein, ainsi qu’avec l’indisponibilité des soins gratuits autrefois dispensés dans les hôpitaux. Elle est désormais obligée d’acheter son traitement dans les pharmacies privées à un prix exorbitant… Elle nous fait part également de ses difficultés psychologiques qui se réveillent chaque fois qu’elle vient effectuer ses protocoles de traitement au Centre Médical de Benghazi. En effet, elle est à chaque fois prise d’angoisse et de panique depuis que, voici deux mois, son mari est décédé d’un obus aveugle pendant qu’il l’emmenait se faire soigner à l’hôpital.
Om Mahmoud, quant à elle, dit que son cancer du colon ainsi que la pénurie des médicaments dans les hôpitaux ont obligé sa famille à lui faire quitter le pays pour se faire soigner à l’étranger. Cela a eu pour conséquence d’aggraver considérablement l’endettement de la famille, notamment dans les conditions économiques difficiles du pays et avec la hausse des taux de change des monnaies étrangères en comparaison avec le dinar libyen.
Les avis divergent sur la qualité et sur l’efficacité des services de santé dans la ville. Certains font assumer la responsabilité de cet état des choses aux employés du secteur ; d’autres considèrent que cette situation est « normale, au regard de l’état de guerre actuel » ; d’autres encore louent les efforts des médecins et des infirmiers, tandis que beaucoup trouvent que les hôpitaux ne fonctionnent pas mieux dans des conditions normales, soulignant que de nombreux médecins s’absentent, bien qu’on ait besoin d’eux.