L’hôpital central de Tobrouk vit une pression qui grandit sans cesse du moment qu’il est le plus grand centre médical de la ville, et de cette région située à l’extrême nord de la Libye. Il est d’ailleursl’unique destination de soins de cette zone nord, où les combats entre les différentes milices sont quotidiens.
Les lits ne suffisent plus et les unités de soins intensifs sont surpeuplées selon le directeur du centre, Fradj Jebali, qui précise que le centre est déchiré entre le devoir d’améliorer les services médicaux au profit du citoyen et les problèmes dus à la dégradation de la situation à cause de l’anarchie et du manque de moyens.
« La direction de l’hôpital a demandé une intervention urgente du ministère de la Santé et de la Présidence du gouvernement pour apporter un appui financier et moral à l’hôpital. Mais en l’absence d’un budget pour le ministère de la Santé, la fourniture de médicaments et d’équipements qui sont presque en panne, notamment celles de la chirurgie orthopédique, surtout pour la fourniture de platine, nécessaire pour traiter les blessures, n’a pas été réalisée », a-t-il affirmé.
Un médecin libyen opérant dans la salle des opérations a expliqué que le plus grand problème que rencontrent les staffs médicaux consiste au manque de produits anesthésiant ou leur péremption. « Ceci nous empêche de faire les opérations, engendrant plus de souffrances chez les malades, outre le manque de lits et l’anarchie qui règne ici », a-t-il ajouté.
Par ailleurs, la peur des staffs médicaux locaux et étrangers augmente quand la guerre bat son plein dans les villes voisines. L’absence de sécurité et de protection est en effet un problème majeur pour ces équipes. Une infirmière libyenne qui travaille à l’hôpital depuis plus de 20 ans a indiqué que le manque d’agents de sécurité l’empêche de bien faire son travail, surtout durant les rondes de nuits où les agressions se multiplient.
Un autre médecin a affirmé : « j’ai travaillé pendant plusieurs mois dans cet hôpital, mais je n’étais pas convaincu de la situation, surtout financière. J’ai rejoint un cabinet privé pour pouvoir subvenir aux besoins de ma famille et payer mon loyer ».
La détérioration de la valeur du dinar libyen par rapport au dollar a également engendré de gros problèmes pour les staffs étrangers, et mêmes libyens. « J’ai travaillé à Tobrouk pendant plus de 20 années et tout le monde reconnait mon efficacité, mais notre vie a basculé l’année dernière », a raconté un médecin étranger, expliquant que 137 médecins, infirmiers et techniciens en provenance de pays européens et asiatiques et lui-même n’ont pas pu convertir leurs salaires en devises. Le prix du dollar a atteint plus de 3 dinars libyens au marché noir et plus de 2 dinars dans les banques, ce qui les a empêchés d’envoyer de l’argent à leurs familles.
Ces difficultés ont eu de mauvaises répercussions sur les accompagnateurs et les malades. L’un des habitants de Tobrouk qui accompagnait son père à l’hôpital a affirmé qu’il est resté à l’hôpital deux semaines avec son père attendant le médicament, en vain. Malgré les efforts de la direction de l’hôpital pour fournir les médicaments, la forte demande la dépasse. « Je pense transporter mon père en Egypte pour le soigner, malgré la détérioration de la valeur du dinar.
Dans le même cadre, une citoyenne venue d’une ville voisine a indiqué : « mon fils souffre d’un trou dans le cœur et nous attendons la venue du staff médical américain spécialisé dans la chirurgie à cœur ouvert. En 3 visites, le staff américain a réussi 84 opérations à cœur ouvert pour les enfants de toutes les villes libyennes. Une seule opération avait échouée ».
Le centre médical de Tobrouk vit une situation misérable à cause du manque de moyens, d’équipements et de médicaments, ainsi que du cumul des problèmes quotidiens, en attendant une solution qui viendra, peut-être, un jour.