Cette grande vague d’exode a touché entre autres le personnel médical et paramédical travaillant à l’hôpital général de la ville qui ne peut plus compter que sur un médecin chirurgien, le Dr Kamel, avec quelques bénévoles ayant suivi autrefois des cycles de formation en soins infirmiers.
Et bien que tout le monde dans la ville d’Oubari soit concerné par le risque d’être atteint d’une balle perdue ou blessé par un éclat d’obus aveugle, ce qui aggrave davantage le drame des habitants durant cette dernière période, c’est la propagation d’une épidémie de fièvre typhoïde et l’augmentation des cas d’empoisonnements par piqures de scorpions venimeux. En effet, l’hôpital et le dispensaire du Projet accueillent quotidiennement de nombreuses femmes avec leurs enfants se plaignant, pour la plupart, de piqures de scorpions et d’allergies accompagnées de fièvres totalement inexpliquées.
Mariem Ahmed est venue afin qu’on lui diagnostique les rasions des poussées de fièvre dont son fils Mohamed est victime : « Mon fils n’a pas dormi depuis deux jours ; sa fièvre ne descend pas même quand je lui donne les calmants et les médicaments ». D’après le chirurgien faisant fonction de médecin généraliste au dispensaire du projet, Dr Abdessalem Mohamed, il s’agit d’un cas parmi tant d’autres qui viennent tous les jours demander des soins et dont 60 % sont atteints de fièvre typhoïde.
Dans une totale ignorance des facteurs qui sont à l’origine de cette fièvre et dans un manque absolu des antibiotiques adéquats au traitement, la gravité de cette maladie ne cesse de s’accroître en s’accompagnant, selon la même source, d’une prolifération d’allergies qui trouveraient leur origine dans les dégâts engendrés par les émanations des missiles tombant à chaque instant sur la ville.
D’autre part, Aicha Ilyes, l’une des bénévoles travaillant au service de microchirurgie de l’Hôpital Général d’Oubari, explique : « Il est connu que les scorpions et les insectes venimeux prolifèrent pendant l’été, plus particulièrement dans les régions sahariennes, ce qui nécessite des mesures spéciales afin de fournir les vaccins dont la pénurie est à l’origine de la mort de nombre d’enfants pour qui nous n’avons rien pu faire… ».
Le responsable de la pharmacie à l’Hôpital Général d’Oubari évoque les mauvaises conditions sanitaires et la pénurie extrême d’antibiotiques pédiatriques, de médicaments contre le rhume et l’allergie, des vaccins contre les piqures de scorpions, des lotions et remèdes dermatologiques et des instruments chirurgicaux. Il a enfin lancé un appel au Ministère de la Santé et, derrière lui, au Gouvernement du Salut, pour qu’ils procèdent à un ravitaillement urgent de l’Hôpital Général d’Oubari.
Le conflit qui bat son plein dans le sud de la Libye a transformé l’oasis d’Awbari en une zone coupée du monde extérieur, au point que les civils y vivent comme des reclus quasi dépourvus de provisions et d’aide. La situation devient d’autant plus dramatique que l’hôpital ne peut plus continuer à fonctionner du fait que le matériel médical envoyé en quantités minuscules et insuffisantes a désormais très peu de chances de parvenir à destination à cause des nombreux barrages qui se multiplient tout au long de la route.
Rappelons que le pays a plongé dans une guerre généralisée, suite à la révolte de 2011 qui avait amené l’intervention militaire étrangère en vue de déchoir Moammar Kadhafi qui fut à la tête du pays pendant de longues années. Depuis, la Libye n’a plus jamais connu la stabilité, étant secouée en permanence par une sorte de guerre civile confrontant des tribus à des milices armées en conflit les unes contre les autres, à l’image de la lutte qui oppose la tribu des Touareg et celle des Toubou dans Oubari et dans ses alentours où éclatent souvent des escarmouches éparpillées pouvant aller des quartier résidentiels jusqu’au Mont Tindi qui surplombe une ville dont des zones entières sont désormais interdites aux civils.