L’attaque américaine sur Sabratha a ravivé sensiblement la peur des Tunisiens du pire pouvant découler d’une situation libyenne chaotique. « Ce ne sont pas les 50 morts des suites de cette attaque qui font craindre le pire. Mais, l’éventualité d’une guerre ouverte entre des groupes armés irrationnels », déclare l’activiste de la société civile Mustapha Abdelkebir à Ben Guerdane, poursuivant à l’adresse des Américains : « Vous n’avez rien à craindre. C’est la Tunisie qui se trouve sur la porte à côté ».
La société civile au Sud tunisien s’inquiète davantage suite aux derniers rebondissements de la situation libyenne. « Les Tunisiens constituent déjà une cible avec les dizaines de kidnapping qu’ils ne cessent de faire l’objet. Que les Tunisiens soient cités par le maire de Sabratha, Houcine Daoudi, comme des exportateurs de terroristes. Cela complique davantage la situation, surtout qu’il est vrai que le contingent tunisien est fort parmi les rangs de Daech », pense Mourad Klich, un militant de la société civile de Zarzis, à 50 kilomètres des frontières libyennes.
Toutefois, et contrairement à ce que ne cessent de rapporter plusieurs médias sur le flux des Libyens vers la Tunisie, qui aurait augmenté ces derniers temps, Mustapha Abdelkebir pense que « le fait de parler de deux à trois mille entrées par jour, cela veut dire que n’est pas du tout un flux. Le pic des entrées au début des vacances scolaires, par exemple, peut dépasser facilement les 8.000 entrées par jour et a atteint plusieurs fois les 12.000». « Il n’y a donc pas de panique chez les voisins libyens. Du moins, pas pour le moment », conclut-il.
Cela n’empêche que du côté des citoyens ordinaires, l’inquiétude est à son comble par rapport à ce qui se passe ces derniers temps chez les voisins. « Je ne veux plus aller en Libye », dit Jamel, un chauffeur de taxi qui a pourtant l’habitude de faire des va-et-vient à Zouara, qui se trouve à 50 kilomètres de la frontière tunisienne, voire même à Tripoli. « La majorité des groupes armés libyens, notamment à l’Ouest, ne considèrent plus les Tunisiens comme des amis », remarque de son côté Salah, inquiet. Pourtant, c’est un syndicaliste qui est habitué aux situations tendues. « J’ai pourtant été très actif en 2011 au camp de Choucha qui a abrité plusieurs dizaines de milliers de réfugiés en provenance de Libye », révèle-t-il.
Cinq ans après les révolutions en Tunisie et en Libye, la situation n’est plus la même, qu’en 2011. Les circonstances et les enjeux sont désormais différents dans les deux pays. La Tunisie, société libérale, a évité le pire malgré le fait qu’elle continue à souffrir de l’impact négatif du terrorisme, notamment après les assassinats politiques de 2013 et les attaques terroristes de 2015. Par contre, la Libye est désormais une pépinière pour les apprenties Djihadistes et les extrémistes de tous genres, dont un bon nombre de jeunes tunisiens.
La Situation chaotique en Libye a provoqué un état de peur sur ses frontières avec la Tunisie, poussant les autorités tunisiennes à édifier une frontière de sable de 220 kilomètres et appeler des renforts sécuritaires malgré le fait que les forces de l’ordres soient en plein combat contre le terrorisme dans plusieurs maquis montagnards comme Salloum à Kasserine, Ouergha au Kef et, peut-être, dans d’autres coins.
Une telle situation fait que la Tunisie continue sa traversée du désert sur le plan économique. Les bailleurs de Fonds exigent la stabilité. Une telle situation fait que la Tunisie n’est plus en mesure d’accueillir un grand nombre de réfugiés, comme en 2011. La situation n’est plus la même.