Ce qui soulage un peu les jeunes de Kasserine, c'est que le gouverneur ne les a pas laissés au clair de lune pour poursuivre leur sit-in entamé depuis le dimanche 17 janvier. En effet, les jeunes chômeurs passent leurs nuits dans la salle de conférence au siège du gouvernorat. C'est là qu'ils discutent et prennent leurs décisions en rapport avec leur sit-in.
À lire les slogans écrits çà et là dans la salle, il est clair que la surenchère est absente. "Nous sommes contre le terrorisme"; " nous sommes contre les pillages et le désordre " ; " nous voulons juste de l'emploi", lit-on un peu partout. Il y a d'autres slogans qui traduisent l'attachement de ces jeunes à leurs demandes : " Sit-in jusqu'à la réalisation de nos objectifs", lit-on également. Mais, dans leurs pétitions, les jeunes réclament au moins un emploi par famille. Ils proposent de prendre en considération l'âge, la situation familiale et l'ancienneté du diplôme obtenu.
" Ce n'est pas normal que l'on continue à ignorer notre requête fondamentale de transparence dans les embauches", insiste Chaabane, 29 ans, licencié depuis six ans en Éducation physique. "Nous voulons que tout soit fait sous nos yeux et que l'on ait accès à toutes les étapes des opérations de recrutement", poursuit-il.
Les jeunes accusent les lobbies de la corruption de sévir dans la région. " Il faut ouvrir les dossiers de corruption à la SNCPA et enquêter profondément sur les manipulations qui ont été derrière l'élimination des six noms dans les listes de recrutements des diplômés", a revendiqué Boutheina, une titulaire de Master, qui considère que ladite manipulation à été à l'origine de la tension dans le pays.
Personne n'était avec les jeunes chômeurs dans leur sit-in. La centrale syndicale UGTT ne se considère pas concernée. La société civile est faible dans la région et la société politique n'a plus de crédibilité auprès d'eux.
" Ils ne savent que faire des promesses à la veille des élections. Ils ne regardent jamais à l'application de leurs promesses", répètent-ils tous pour exprimer leurs déceptions. " Ils ne sont même pas là pour nous expliquer comment réaliser un petit projet et quel domaine d'activités serait intéressant à Kasserine", se lamente la jeune Boutheina.
Cinq ans après la révolution, les jeunes tunisiens commencent à désillusionner. Le pire, c'est que la classe politique et la société civile ne sont pas présentes pour leur redonner espoir. Une telle absence d’issue peut constituer un berceau pour les idées les plus folles dans l’esprit de cette jeunesse désespérée.