Selon les chiffres officiels du gouvernement marocain, le nombre des migrants clandestins a atteint les 40 000 mais ce nombre dépasserait de loin les estimations du gouvernement. Parmi ceux qui continuent d’affluer vers le Royaume certains préfèrent se diriger directement vers les régions proches de Ceuta et de Melilla qui sont sous le contrôle des autorités espagnoles, et se cachent au cœur des forêts.
Depuis que le gouvernement marocain a lancé la deuxième phase de régularisation des sans-papiers, en décembre dernier, des centaines de migrants affluent vers les sièges des gouvernorats et des administrations de l’emploi, en quête de cartes de séjour qui leur permettraient de se débarrasser de leur situation d’illégaux dans le Royaume.
Certains d’entre eux se sont installés à même le sol devant le siège du gouvernorat de Rabat, tandis que d’autres ont préféré s’installer sur les escaliers pour remplir les formulaires officiels. D’autres encore abordent des citoyens marocains pour qu’ils les aident à comprendre ce qui leur est demandé. L’expression des visages diffère d’une personne à une autre ; si certains ont de l’espoir d’autres sont inquiets et observent ce qui se passe autour d’eux avec anxiété.
Dune Voices a rencontré Albert Gargaris, migrant qui vient de Sierra Leone. Il nous confie : « J’ai vécu avec ma famille pendant des années au Maroc, sans jamais avoir eu de papiers de séjour ». Puis il ajoute, décontracté et souriant : « Ma vie a beaucoup changé, depuis que le hasard a voulu que je fasse partie de la première tranche dont la situation a été régularisée par les autorités marocaines ».
Et bien qu’il n’ait toujours pas d’emploi stable, Gargaris relativise en disant : « La situation est meilleure aujourd’hui. Je vis au Maroc avec ma famille depuis deux ans et j’en suis heureux parce que c’est toujours mieux qu’avant quand j’étais dans mon pays. Ici je vis en paix et où que j’aille, je croise les agents de police qui veillent sur la sécurité et sur la protection des citoyens. Il fut un temps où je me mettais à courir pour les fuir ; mais aujourd’hui, je leur présente mes papiers d’identité, l’esprit tranquille. ».
Une réalité bien différente nous est transmise par le témoignage d’une femme courageuse qui a dû fuir le Congo en compagnie de sa petite fille, laissant derrière elle son mari et son autre fille. Inonda Gristell n’a toujours pas obtenu son titre de séjour, n’ayant pas eu la chance de faire partie du premier groupe d’immigrés clandestins dont le Maroc a régularisé la situation. Malgré cela, elle contemple avec admiration ce que le Royaume fait pour les migrants.
Remerciant un heureux hasard qui lui a montré le chemin d’une école privée, où le proviseur a accepté d’inscrire sa fille, elle a pu à son tour travailler et gagner sa vie. Inonda assure qu’elle n’a aucun autre choix que celui de rester au Maroc. Elle espère encore pouvoir régulariser sa situation, afin de pouvoir faire venir son mari et sa fille de façon légale et de réunir enfin sa famille.
Devant cet état de choses, le dernier conseil ministériel (qui est aussi l’instance constitutionnelle disposant du plus haut pouvoir décisionnel au Royaume) a donné davantage d’espoir aux migrants. En effet, le Roi du Maroc a demandé que le délai d’octroi des titres de séjour soit prolongé et étendu à trois ans.
Dunes Voices a suivi la deuxième étape de la procédure de légalisation de la situation des migrants. A partir de la mi-décembre, les services administratifs ont enregistré 25 000 dossiers de demande de régularisation.
La commission nationale chargée de régulariser la situation des migrants et d’assurer leur intégration assure de son intention, d’« adopter des normes d’habilitation équitables et qui seraient les mêmes pour tous afin de régulariser la situation du plus grand nombre de migrants et poursuivre ainsi la politique de l’immigration solidaire et intégrative ».
Dans des déclarations à Dunes Voices, le syndicat des migrants dit accueillir favorablement les procédures prises par le Royaume à l’égard des migrants, comme le rapporte son secrétaire général, Franck Tanka qui commente ces procédures en affirmant : « Ce que fait le Maroc est une véritable exception au regard de ce que les migrants sont en train de subir dans les pays voisins ».
D’ailleurs, poursuit Tanka, le Maroc n’est plus seulement pour les migrants un point de passage vers le continent européen, en particulier pour ceux parmi eux qui ont un bon niveau d’études et qui maîtrisent la langue française. Une fois leur situation régularisée, et même si des obstacles demeurent, ils peuvent trouver de bonnes opportunités d’emploi dans le royaume.
Tanka pense également que l’ouverture du Maroc au secteur des centres d’appels dont la production est principalement destinée à l’Europe a rendu facile aux migrants originaires de pays francophones de s’installer au Maroc. La régularisation de leur statut, conjuguée à ces nouvelles opportunités professionnelles, leur fait abandonner l’idée de risquer leur vie en traversant la mer pour l’Europe.
Mehdi El Harizi