« Il est vrai que la plupart des sanctions privatives de liberté stipulées par l’ancienne loi ont été abolies et remplacées par des amendes et par des sanctions disciplinaires mais cela n’a pas contribué à accorder plus de liberté aux journalistes. Bien au contraire, cela n’a servi qu’à les étouffer davantage et à les accabler d’infinies pénalités sanctionnant des actes qui n’étaient pas considérés auparavant comme prohibés», confie Mohamed Arbat.
Arbat est journaliste au sein d’un des supports d’information locaux de la région nord du Royaume. Il explique en effet que beaucoup de choses qui n’étaient pas considérées par l’ancienne loi comme des actes passibles de sanction le sont devenues dans la nouvelle loi, citant à titre d’exemple la publicité promouvant le tabac. En effet, la moindre petite erreur à ce sujet, comme de publier, en illustration d’un sujet quelconque, la photo d’un fumeur peut s’avérer très coûteuse au journaliste en lui faisant payer une lourde amende. Ceci n’est qu’une parmi tant d’autres restrictions qui ont été imposées à l’exercice du métier, et qui risquent de faire perdre à la pratique professionnelle toute sa souplesse.
Le même journaliste explique à dunes Voices que, même si elle a aboli toutes les sanctions privatives de liberté et relatives aux crimes journalistiques, ladite loi est loin d’avoir parfaitement immunisé les journalistes contre ce genre de sanctions, dans la mesure où rien n’empêche que soit appliquée à leur encontre la loi pénale ou encore la loi anti-terroriste. Cela serait alors en totale contradiction avec l’essence fondamentale et l’esprit même de la loi de la presse consistant à ne pas exposer les journalistes à des sanctions privatives de liberté, et ce quelle que soit la durée de ces sanctions.
Pour sa part, le journaliste Hssan Bou Khoff défend la nouvelle loi en assurant que, grâce à elle, les institutions d’information et de publication ne peuvent plus être fermées que sur une décision du tribunal, de même que les amendes sont désormais plafonnées à 500 mille dirhams, hormis les cas de récidives. Par ailleurs, il n’est plus possible qu’un journaliste soit arrêté ni même placé en garde à vue. Le journaliste explique également que la nouvelle loi protège la profession des intrus, dans la mesure où une certification professionnelle est désormais exigée pour l’exercice du poste de directeur des publications. En même temps, la presse électronique est dorénavant déchargée de toute responsabilité pénale en cas de piratage, avec interdiction et sanction du plagiat. Les doits de la femme et de l’enfant, ainsi que la vie privée et le droit à l’image, sont désormais protégés de tous les abus journalistiques possibles, de même qu’il est strictement interdit de publier des contenus à caractère immoral, pornographique ou promouvant le tabagisme.
Grâce à cette loi, ajoute Bou Khoff, le journaliste est considéré comme complice de toute éventuelle infraction que comporterait le contenu journalistique portant sa signature, ce qui poussera immanquablement les journalistes à davantage de rigueur, de précision et de responsabilité dans l’exercice de leur travail et rendra la matière présentée aux lecteurs de meilleure qualité en l’enrichissant d’informations dont on a la certitude qu’elles sont absolument vraies.
De son côté, le ministre des communications et porte-parole du gouvernement, Mustapha Al Khalfi, a fait l’éloge de la nouvelle loi de la presse et des publications au Maroc, la considérant comme le fruit de nombreux épisodes de réformes globales et complémentaires et comme le résultat des diverses contributions apportée par toutes les parties impliquées dans l’ensemble des axes de cette réforme.
Parmi les qualités de la nouvelle loi de la presse, le Ministre marocain cite également son ouverture, le fait qu’elle ait tiré profit des expériences accumulées par d’autres pays plus aguerris en matière de liberté de la presse et de l’information, ainsi que l’avantage de garantir au citoyen le droit d’accès à l’information et à la libre expression.
Au cours d’une déclaration accordée à l’un des médias internationaux, Younes Moujahed, président du Syndicat National de la Presse Marocaine, assure que, malgré toutes les nouveautés et tous les textes par lesquels la nouvelle loi cherche à moderniser le secteur et à vaincre tous les obstacles qui entravaient le travail journalistique, certains détails de ladite loi porteraient atteinte à la démocratie escomptée et pourraient tendre des pièges à la liberté d’expression au Royaume.
A son tour, la Fédération Marocaine des Editeurs de Journaux a exprimé son rejet total de ce qu’elle a appelé « les régressions contenues dans le projet de loi de la presse », citant clairement « le retrait irrévocable de la carte de presse, l’interdiction d’exercice de la profession pour une durée pouvant aller jusqu’à dix ans, le retrait des droits civils, politiques et même familiaux, ainsi que la possibilité d’interdire les journaux avant même leur passage devant les tribunaux ».
Entre ceux qui la considèrent comme un acquis à préserver et ceux qui y voient un fardeau dont il faut se débarrasser, la nouvelle loi de la presse n’en reste pas moins une réalité avec laquelle les journalistes marocains doivent composer avec toutes les précautions requises, en attendant de nouvelles réformes proposées par le prochain gouvernement qui sera élu à la fin de l’année en cours.