Une journée de travail commence pour le maçon à sept heures du matin et se poursuit sans relâche jusqu'à cinq heures, parfois sept heures, du soir. Et malgré toutes les rudesses que ce métier comporte, un grand nombre d'ouvriers, dont des immigrés, des Africains et des hommes originaires du nord du Maroc, ne jouissent pas de la couverture sociale.
Essayeh, ouvrier-maçon, se plaint de cette situation en disant : « Le fait que je ne bénéficie pas de la couverture sociale m'empêche de pouvoir obtenir une retraite et j'ai bien peur que ma famille ne soit réduite à la misère si jamais il m'arrivait un quelconque malheur ».
« La sécurité sociale nous donne droit à une assurance maladie, ainsi qu'à nombre de privilèges tels que la retraite, les remboursements et même une rente mensuelle pour ma famille au cas où je serais décédé», poursuit-il.
Ces mêmes craintes se retrouvent d’ailleurs chez de nombreux maçons. L’un d’entre eux, un vieil homme de 63 ans qui exerce toujours son métier de maçon préfère garder l’anonymat. Nous lui avons donc choisi le prénom d’Ahmed. Il nous fait part de ses déceptions: « Nous regardons la télévision tous les jours, sans qu'à aucun moment nous y voyions quelqu'un s'intéresser à notre situation ou évoquer la mise en vigueur de quelques uns de nos droits enterrés à jamais».
Ahmed raconte qu'il a commencé à travailler dans le domaine du bâtiment quand il avait vingt ans et que, grâce à ce métier, il était toujours parvenu à garantir une source de revenu pour sa famille, jusqu’au jour où il a eu le malheur de se fracturer la jambe droite. S’étant ainsi trouvé dans l’obligation de rester chez lui, sans travail pendant cinq mois et n'ayant pas de couverture sociale, il s'est donc retrouvé privé de salaire tout au long de cette période.
Un employé de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale qui souhaite garder l'anonymat et que nous avons choisi d'appeler Brahim nous explique l'origine du problème : « La plupart des ouvriers travaillent de façon anarchique et illégale pour le compte de plusieurs sociétés du bâtiment». Il nous explique par ailleurs que la solution à ce problème épineux consiste à effectuer des contrôles continus par l'Etat et à établir de nouvelles procédures qui imposeraient aux sociétés d'enregistrer les ouvriers recrutés au bureau de la sécurité sociale.
Certains ouvriers-maçons travaillent cependant de manière individuelle sans se faire engager par une entreprise quelconque du bâtiment. En ce qui concerne ces cas, Ibrahim précise : « Il y a également des cas d’ouvriers qui travaillent dans la maçonnerie et qui s’inscrivent spontanément dans les registres de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale, en payant une somme mensuelle ne dépassant pas les 70 Dirhams. C’est ce qui leur donne droit à de nombreux avantages".
Au Maroc, les ouvriers-maçons font partie de la catégorie des travailleurs du secteur privé. Et pour peu qu'ils soient engagés par une entreprise de promotion immobilière légale qui les inscrits dans les registres de la Caisse, cela les affilie automatiquement à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale. Or, la plupart des entreprises immobilières préfèrent éviter ces mesures, en particulier dans la ville de Laâyoune où les travaux du bâtiment fleurissent grâce à la renaissance architecturale que connaît la ville.
Notons qu'en refusant s'inscrire leurs employés maçons dans les registres de la Caisse Nationale de Sécurité sociale, plusieurs patrons sont ainsi parvenus à ramasser des fortunes colossales dans leurs comptes bancaires et, par là-même, à approfondir l'état de marginalité et d'exclusion où se trouvent déjà les ouvriers du bâtiment.
Selon le Bureau International du Travail, bien que la couverture sociale soit clairement stipulée à l'article 22 de la Déclaration Mondiale des Droits de l'Homme, le taux des travailleurs du secteur privé qui ne sont pas déclarés à la sécurité sociale au Maroc atteint les 55% de l'ensemble de cette catégorie ouvrière.