En effet, ceux d’entre eux que nous évoquons dans le présent article ne peuvent que manquer à l’appel, dans la mesure où ils sont obligés d’aller travailler et n’ont pas le temps par conséquent de fréquenter ces campements situés dans les montagnes ou sur les plages.
Ce sont des enfants que la misère et l’indigence ont privés du plaisir de partir en vacances et de voir d’autres cieux que ceux qui les ont vus naître. Très tôt en effet, ils se sont vus obligés d’intégrer le cercle de la vie active.
Ridha est un enfant de treize ans, originaire de la ville de Laâyoune. Avec beaucoup d’enthousiasme et de patience, les yeux remplis de détermination et de défi et les traits sereins il pousse, silencieux, la carriole qui transporte nos affaires. A la question de savoir pourquoi il travaille aussi jeune au souk populaire de la ville, connu sous le nom de "Rhiba", il répond brièvement, les traits fermés : « Mon père est décédé et je dois nourrir ma famille, puisque je suis l’aîné »... Nous ravalons la sécheresse de la réponse et l’amertume contenue dans ces petites paroles douloureusement fermes et nous passons à deux autres enfants auprès de qui nous espérons trouver plus d’informations, après que Ridha eut refusé de se laisser prendre en photo et même de nous parler davantage.
Contrairement à lui en effet, deux petits garçons, Marouen et Ayoub, se sont montrés beaucoup plus réceptifs et désireux de poser devant notre caméra pour nous faire part de leurs expériences. A selement treize ans, pour le premier, et douze, pour le second, ils travaillent pendant les vacances d’été afin de gagner de quoi payer les frais de la rentrée scolaire et aider leurs proches à affronter les difficultés de la vie. Occupant un petit coin étroit du marché populaire de "Laâyoune", ils vendent du sel à même le sol…
Marouen est inscrit en première année de l’enseignement préparatoire. C’est lors de cette étape que sont déterminés l’orientation scolaire et le choix du parcours d’études que l’élève devra poursuivre tout au long de l’enseignement secondaire. Aussi ce palier requiert-il de la part de l’élève beaucoup d’attention et de concentration. Les règles de la procédure d’orientation sont en effet basées sur les notes obtenues pendant l’année scolaire en cours et pendant les deux années suivantes. C’est en fonction de ses résultats que l’élève est par la suite orienté vers le parcours scientifique, économique ou littéraire, ce dernier ne comportant malheureusement pas beaucoup de perspectives au Maroc. Ayoub, quant à lui, est inscrit au dernier niveau du cycle précédent, soit en sixième année de l’enseignement primaire…
Avec le peu d’argent qu’il gagne de la vente du sel, Marouen désire se payer beaucoup de choses dont, entre autres, le mouton à sacrifier le jour de l’Aid El Kebir, ce qui représente un souhait plus grand que son âge et que ses maigres revenus, même si cela demeure à la hauteur de cette ambition débordante qui brille de mille feu dans le sourire qui ne quitte jamais ses lèvres.
Selon des chiffres publiés en 2009 par la Délégation Supérieure de la Planification, le nombre des enfants actifs âgés d’entre 7 et 18 ans a atteint les 3 % de l’ensemble des enfants appartenant à cette tranche d’âge. Ainsi, en milieu urbain, on a pu compter près de 19 mille enfants actifs, tandis qu’en milieu rural, ce chiffre est de 151 mille enfants à peu près.
"Dunes Voices" a contacté M. Mohamed Kabbach, directeur régional au sein du ministère de la jeunesse et des sports chargé de la région Assa Azzak. Répondant à nos questions au sujet des mesures prises par le ministère afin d’aider ces enfants et leurs familles au début de chaque année scolaire, il nous dit : « Je suis totalement contre ce phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur, en particulier avec l’augmentation des frais nécessaires à la scolarité et avec la hausse que connaissent les exigences des formations et des études suivies dans les établissements d’enseignement privé. Ces derniers imposent en effet beaucoup de frais et de livres aux parents… L’Etat, pour sa part, fait de son mieux pour que l’enseignement et les camps de vacances soient un droit pour tous et pour que les conditions d’en bénéficier soient accessibles à toutes les catégories socio-économiques. Mais les exigences croissantes de la vie et la nécessité de fournir d’autres besoins aux enfants tels que les vêtements, les mensualités des cours particuliers et les frais de scolarité, tout cela devient très coûteux pour les familles, en l’occurrence celles qui ont des revenus faibles… Aussi voit-on de plus en plus d’enfants contraints à travailler, notamment pendant la saison estivale, afin de subvenir à ces besoins incessants. C’est pourquoi, nous présentons tout notre soutien et toute notre aide aux enfants afin qu’ils accèdent facilement aux campements de vacances et qu’ils bénéficient des services qui y sont présentés et de tout ce qui pourrait leur procurer les plaisirs auxquels leur donne droit l’innocence de leur âge».
Rappelons par ailleurs que l’Organisation Mondiale des Nations Unies avait publié en 1989 la convention des droits de l’enfant. Ledit texte définit ce dernier comme étant toute personne n’ayant pas dépassé l’âge de dix-huit ans et souligne l’obligation de le protéger contre toute forme d’exploitation économique, en même temps qu’il interdit que l’enfant exerce toute activité qui pourrait représenter un quelconque danger pour sa personne, entraver son éducation, nuire à sa santé ou ralentir sa croissance physique, mentale, spirituelle, psychologique ou sociale.
Rappelons également que la commission des secteurs sociaux au sein de l’assemblée nationale marocaine a signé au cours des derniers mois un projet de loi proposé par le gouvernement concernant les hommes et les femmes de ménage. Ce projet de loi stipule que l’exercice de cette activité est possible à partir de l’âge de 16 ans, avec obligation de fournir une autorisation parentale au cas où le candidat ou la candidate au travail serait âgé d’entre 16 et 18 ans. Ledit projet a enfin été confronté à de très vives critiques de la part de l’opposition.