Selon le document dont le correspondant de Dunes Voices a pu consulter une copie, le Pacha Khalid Bel Moueddin, chef d’un arrondissement local dans la ville de Taroudent au Sud du Maroc a enjoint le propriétaire d’une des manufactures de couture de la région à cesser toute production et toute commercialisation de burqas. Le texte lui demande aussi de se débarrasser de tous les lots qui sont déjà en sa possession et cela dans un délai de 48 heures, à compter de la date de réception dudit avertissement. Le dépassement de ce délai entraînerait la confiscation de la marchandise.
Par ailleurs, selon des informations diffusées sur les réseaux sociaux cette décision s’étend également à d’autres villes dont Casablanca, Tanger, Tetouane, Martile, Sela, Menasse et Guelmime, tandis que les autorités locales ne se sont toujours pas exprimées sur les raisons d’une telle décision.
Il n’existe pas au Maroc de loi qui précise ce qui doit ou non être porté par les femmes mais l’article 9 de la Constitution de 2011 stipule que sont garanties à tous les citoyens « la liberté d’opinion, d’expression sous toutes ses formes et la liberté de réunion […] » et que « seule la loi peut mettre fin à l’exercice de ces libertés ».
Violation de la loi
L'organisation non gouvernementale "Observatoire du Nord pour les Droits de l’Homme" s'est indignée de la décision prise par les autorités locales d’interdire la production et la commercialisation de la burqa au Maroc. Elle dénonce « une décision abusive qui porte indirectement atteinte au droit d'expression des femmes, le port de cet habit étant considéré comme l'expression de leur identité propre, de leurs convictions culturelles; politique ou sociales ».
Dans un communiqué dont Dunes Voices s’est procuré une copie, l’observatoire remarque également que ladite décision est en parfaite contradiction avec les traités Internationaux des Droits de l’Hommes ratifiés par le Maroc. En particulier, l’article 12 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui stipule que « nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ».
De même, cette décision est en profonde contradiction avec les articles 17 et 18 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, le premier stipulant que « nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile […] » et le second que « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu’en privé, par le culte et l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement ».
Atteintes à la diversité
Le communiqué fait remarquer par ailleurs que « la décision prise par les services du Ministère de l’Intérieur d’interdire le port de la burqa s’inscrit dans le cadre d’un projet entrepris méthodiquement en vue de refaçonner la société marocaine selon un type bien déterminé […], de porter atteinte à la diversité culturelle profondément ancrée dans l’histoire de cette société et de resserrer l’étau sur les libertés afin d’imposer une pensée unique ».
Dans ce même communiqué, l’Observatoire du Nord pour les Droits de l’Homme insiste enfin sur le « caractère illégal de l’interdiction de la burqa » en expliquant que ladite décision « ne s’appuie nullement sur un texte de loi, sachant notamment que l’interdiction ne peut se faire que sur la base d’un texte de loi, ce qui est uniquement du ressort des instances législatives et non pas des instances exécutives ».
Injustice et ségrégation
Le cheikh salafiste, Hassan Al Katani, affirme pour sa part que : « quiconque prétendrait que l’habit des femmes vertueuses est un vêtement étranger, n’a qu’à unifier l’habit de la totalité des Marocaines et les ramener vers l’ancien vêtement traditionnel. Ce n’est qu’à ce moment-là que ses propos prendront un sens logique ».
Sur sa page Facebook officielle, Al Katani précise encore que laisser certaines femmes porter les vêtements européens derniers cris pendant qu’on interdit à d’autres de porter les habits orientaux derniers cris représente « une interdiction portée contre une large communauté marocaine et une ségrégation raciste innommable que ne saurait admettre ni la religion, ni la logique ».
Mohamed Al Hilali, un des dirigeants du mouvement islamiste "Attawhid wal Islah" (Mouvement de l’Unification et de la Réforme), a considéré la décision du Ministère de l’Intérieur interdisant la production et la commercialisation de la burqa comme « une violation des principes fondamentaux du pays comme le libre-choix démocratique et les libertés individuelles et principales prônées par la Constitution ».
Cependant, pendant que certains s’attachent au vêtement islamiste sous toutes ses coutures (Hijab et Burqa) et le défendent bec et ongles, d’autres estiment qu’il fournit aux criminels un excellent alibi pour commettre leurs forfaits.
Le magistrat Mohamed Al Hini affirme en effet que « l’interdiction de la burqa est une décision administrative judicieuse permettant de protéger l’ordre public en matière de sécurité ». Il considère que cet habit n’a aucun rapport avec notre pays et que c’est au contraire « un vêtement afghan totalement étranger aux particularités culturelles marocaines ».
Al Hini fait remarquer également que la burqa, en camouflant de manière extrême l’apparence externe des individus et en masquant totalement les traits du visage, ne permet pas de distinguer les hommes des femmes et peut de ce fait être utilisé dans l’accomplissement de délits ordinaires comme d’attentats terroristes et rendre totalement impossible de se faire capturer par les caméras dans la rue ou aux magasins.