Ces jeunes attendent impatiemment leur tour pour profiter du seul stade de football existant dans le sud-est du Royaume du Maroc. Anas et ses amis ne sont qu’un exemple d’une jeunesse assoiffée à des infrastructures sportives.
Cette région désertique a fourni au sport national un nombre important de champions et un grand nombre de titres dans les différentes disciplines sportives.
Malgré le fait que Tinghir, soit devenue moughatââ depuis 2011, et malgré sa richesse en ressources naturelles, elle ne cesse de souffrir d’un manque cruel d’infrastructures de base, notamment dans le domaine sportif. Une réalité confirmée par l’activiste de la société civile, Jamal Amzouro. Ce dernier reconnait l’absence d’infrastructures et d’espaces susceptibles d’aider à l’éclosion des talents des jeunes sportifs surdoués. Il interpelle les responsables et décideurs sur «la nécessité de construire et équiper des gymnases et stades afin de sauver de la dérive les jeunes de la région et leur permettre de réaliser des résultats qui honoreraient leurs villes et leur pays».
Anas ne cesse de jeter ses regards désemparés ; tantôt vers le ciel, tantôt vers le stade construit de béton et similaire à un parcours de golf sans gazons. Les trous remplissent son sol et ses piliers rouillés «représentant ainsi un danger pour ses occupants», selon les propos du jeune.
Anas évoque timidement son ambition de devenir, un jour, membre de l’équipe nationale de football. Il admet tout de même qu’il s’agit d’un rêve difficile à atteindre «dans l’absence de la moindre condition permettrant de parfaire et promouvoir ses talents» a-t-il dit. «Pour réaliser mon rêve, je dois quitter cette région et aller vers une des villes du Centre ou du Nord pour m’y installer» ajoute Anas qui lance une balle qu’il portait entre ses mains. Tout en lançant des mots inintelligibles, il maudit «l’instant où il a commencé à aimer le football», «notamment dans un environnement qui ne connait pas la définition de la notion ‘talent’ et ne la respecte pas» a dit un autre jeune de la même région.
L’absence des infrastructures sportives ne touche pas seulement les passionnés de football. Elle affecte toute personne qui exerce une activité sportive quelconque. «Et si (cette personne) réussit dans son cursus sportif, ce sera grâce à ses propres efforts et au soutien que lui fournit sa famille» dit l’activiste communautaire Jamal Amzourou. Celui-ci affirme que la région a donné naissance à des champions dans différentes disciplines sportives. Ces champions auraient hissé très haut le drapeau national marocain à plusieurs reprises.
Mourad Ghadji fait partie de ces champions. Le jeune a été sacré champion d’arts martiaux dans plusieurs championnats régionaux, nationaux et continentaux. Les derniers de ces championnats ont été celui du Maroc en karaté et le championnat africain Free Contact Light. «Ces réalisations n’auraient pas pu avoir lieu, n’était le soutien moral et matériel de ma famille» dit Ghadji qui possède une salle privée d’entraînement des jeunes en arts martiaux. Ghadji appelle les autorités publiques à mettre des infrastructures sportives à la disposition des «jeunes de cette région désertique afin qu’ils atteignent leurs objectifs». A l’instar des autres villes du Sud-est, Tinghir souffre d’un manque cruel d’infrastructures au profit des jeunes. Ceux-ci n’ont d’espaces d’échanges que les maisons closes très repandues dans la zone.
Oumeïma Belkouda est une jeune marocaine, de 19 ans. Elle exerce le karaté depuis sa petite enfance. Une discipline sportive qui lui a permis d’être sacrée championne dans plusieurs compétitions régionales et nationales. Le plus récent de ses titres, c’est le Championnat national du Karaté, organisé à Marrakech. Les ambitions de la jeune fille se mesurent à la taille des infrastructures existantes. Ce sont ces dernières qui lui permettraient d’affiner son talent et d’exercer sa discipline sportive préférée. Oumeïma se plaint de l’inexistence de filles qui exercent ce sport dans la ville. Une absence qui s’explique «par l’absence de tout gymnase qui les abriterait, hormis des salles privées dont elles ne peuvent pas s’en servir à cause de leurs coûts exorbitants» dit-elle avec un ton intermittent, un visage rougi, des poignées serrées l’une contre l’autre et des pieds qui frappent fort sur le sol.
Malgré toutes ces conditions défavorables, les jeunes de Tinghir, situé à 600 km de Rabat, sont déterminés à réaliser leurs ambitions sportives et à élever très haut le drapeau de leur pays dans les compétitions internationales.