Des inondations qui ont causé des dégâts matériels importants et des effets psychologiques profonds chez les populations. N’empêche que les points de vue sont divergents entre les habitants, les associations de la Société civile et les autorités locales.
Paniques des populations touchées
Naïma Brichy est une citoyenne marocaine. Sa maison est touchée. Nous l’avons jointe par téléphone. Selon elle «Les populations touchées par les dernières précipitations font face à un état de panique et de peur, de retourner à leurs maisons qui peuvent s’effondrer à tout moment». Elle ajoute avec un ton triste «Après trois jours de précipitations sans arrêt, nous avons subi tous les malheurs. Heureusement que nous avons fui nos maisons avant qu’elles ne s’effondrent sur nos têtes».
En même temps, Naïma exprime ses remerciements aux bienfaisants et aux associations de la société civile qui sont venus en aide aux victimes durant leurs souffrances.
Notre interlocutrice indique que les autorités locales ont pris connaissance des tenants et aboutissants de «l’incident tragique». Selon elle, le hakem s’est rendu au lieu. Il aurait fourni des aides à la vingtaine de familles touchées.
Familles touchées
Pour sa part, le Secrétaire général de l’association Tassourt d’Alnif, Lahou Ama’na, a mis l’accent sur le rôle de son association dans l’hébergement des familles touchées: «Notre association a transféré dix-sept familles touchées qu’elle a hébergées dans une école, et ce au moment où les maisons étaient au bord de l’effondrement ». Il a souligné que l’association a également joué le rôle du médiateur entre les victimes et les autorités locales, en précisant que «les maisons touchées et évacuées étaient déjà délabrées avant même les inondations ; à forte raison après». Selon l’intervenant, les associations Tassourt et Boukafer ont fourni un effort considérable pour limiter les dégâts et apporter aide aux victimes.
Réparation des maisons endommagées
Youssef Ben Omar, Président de l’association Boukafer, dit que son association supervise le projet de réhabilitation des maisons argileuses touchées, ainsi que le pavage de la rue principale qui se trouve pleine de boue chaque fois qu’il pleut. Ben Omar note que ledit projet, financé par le Grands Travaux, à la hauteur de 139 milles dirhams (13.000 Euros), a démarré janvier dernier.
Selon lui, l’association vise, à travers ce projet, à alléger les souffrances des populations, protéger le patrimoine civilisationnel de la région et anticiper les effets potentiels des inondations. Il a mis en exergue le rôle du Ministère de la Culture qui «doit intervenir pour protéger ce patrimoine culturel et civilisationnel de la région».
Mesures administratives
Hadda Baydir, Chef du village d’Alnif, dit que la communauté rurale a participé, en partenariat avec les associations caritatives et les ONG, au transport et hébergement des familles touchées dans l’école centrale. En même temps «elle leur a distribué des produits alimentaires et des matelas».
Le même intervenant indique que «les autorités ont prévenu et mis en garde la population, avant l’effondrement des maisons à cause des fortes pluies, notamment les propriétaires des maisons les plus vulnérables».
Hadda Baydir précise: «Actuellement, nous faisons de l’expertise de l’état des lieux et analysons les résultats obtenus pour prendre les mesures adéquates». Il met en exergue «la disposition de la Communauté rurale à appuyer le projet que supervisera l’association Boukafer, par tous les moyens dont elle dispose».
Les causes des effondrements
Le Secrétaire général de l’Institution nationale des Architectes de Rabat, Jemal Al Khanati, dit que l’effondrement de ces maisons, souvent en argile, a de multiples causes dont certaines sont d’ordre général alors que d’autres sont plutôt spécifiques.
Al Khanati explique que les causes communes se manifestent dans l’indifférence des autorités et le niveau social faible des locataires de ces maisons. Ceux-ci n’ont souvent pas de moyens financiers, pour se protéger. Il évoque également le manque d’entretien et l’absence de renforcement des structures des maisons effondrées. Surtout, dit-il, qu’«il s’agit d’un patrimoine historique qui date de quelques siècles et qui doit être conservé minutieusement du moment qu’il s’agit d’une richesse nationale ».
Le Secrétaire général souligne qu’«il est constaté que la plupart de ces effondrements ont eu lieu dans les vieux quartiers». Il précise que «Ceux qui occupent ces maisons sont en majorité des locataires. De ce fait, ils ne les entretiennent pas ; car, ils n’en ont pas les moyens. Et en même temps, les propriétaires ne les entretiennent pas ; car, ils n’y logent pas».
Al Khanati précise que tous les vieux bâtiments dans ces différents quartiers nécessitent une réparation, qu’il s’agisse des palais historiques ou des casbahs.
Le patrimoine historique et civilisationnel de la nation
L’architecte souligne que la situation nécessite une forte volonté politique. «Même celle-ci ne suffit pas à elle seule», a-t-il dit «il faut que ce sujet soit la priorité des priorités et qu’il bénéficie de programmes nationaux et à travers des agences spécialisées, dotées de moyens énormes, pour le suivi de ce patrimoine de la nation ».
Jamal Al Khanati indique que le Maroc possède 34 anciennes villes, dont six sont classées ‘Patrimoine de l’Humanité’.
Rappelons que les quartiers environnants d’Alnif, notamment Azghour, Ammar et Taghouche, ont été également touchés. Malgré qu’aucune perte humaine n’y ait été enregistrée, leurs populations ont peur de retourner à leurs maisons. Car, celles-ci risquent encore de s’effondrer.