Le parcours de Marcel n’était pas meublé de fleurs. Il ne s’agissait pas de tournées touristiques ou d’opulence de luxe. C’était plein de difficultés, d’obstacles et d’expériences douloureuses.
Marcel a quitté Kinshasa suite à des poursuites et tracasseries dont il faisait l’objet. On lui reprochait ses positions opposées à la gabegie et aux corruptions endémiques dans son pays qui possède d’énormes ressources naturelles et minières.
Son exil au Maroc, en 2005, a constitué le début d’une nouvelle vie pour lui. Il commence son parcours par la recherche d’un séjour dans le pays d’accueil. Il devait «bien se renseigner sur le territoire qu’il vient de conquérir». Ce n’est pas facile, pour lui, mais l’espoir finira par l’emporter. L’intégration dans un nouveau milieu complètement différent et la recherche d’un emploi pour survivre et gagner sa vie plus facilement, étaient le premier souci de ce migrant ambitieux.
Entre le Maroc et la RDC, on raconte de belles histoires d’amitié, notamment sous le règne de feu Hassan II et Mobutu Sese Seko. Le Maroc était l’un des amis les plus loyaux de l’ex-Zaïre. Les deux pays étaient liés par de forts intérêts communs dans le domaine politique et par des échanges mutuels et des alliances au centre du continent africain.
Il n’est jamais surprenant, donc, de constater que des populations de la RDC, des Grands Lacs ou du Fleuve Congo ont des souvenirs avec le Maroc ou connaissent bien Marrakech et Casablanca, bien qu’elles ne s’y soient jamais redues. Marcel Omyeto a donc bien choisi son pays d’exil. Il va y trouver ce qu’il cherchait. Il va y lancer une nouvelle vie totalement différente. Il se transformera d’un fugitif qui fuit la détention et la répression, à un syndicaliste célèbre dans la sphère travailliste, syndicaliste et associative, ainsi que dans le milieu de défense des droits de l’homme et du migrant.
Marcel a la quarantaine. Il joint l’intelligence et le bon sens à la persévérance au travail et à un grand amour de la musique et des arts. Il dirige aujourd’hui une entreprise de production audiovisuelle, de la musique et des chants africains. Il participe à des concerts et des festivals organisés dans les différents coins du royaume. Il sait à quel point la musique constitue un support de communication et une fibre de connexion entre les peuples et les communautés.
Marcel est également un bon communicateur. Il comprend vite. Il possède une énergie et un dynamisme infatigables. Il ne finit jamais un voyage que pour commencer un autre. Il participe à des rassemblements, à des rencontres et à des séminaires, regroupant autour de lui différentes nationalités subsahariennes.
«Nous sommes sur le point d’annoncer la constitution d’un Syndicat des Femmes des Ménages» déclare Marcel. «Il s’agit-là, poursuit-il, d’une expérience unique et sans précédent. Car, cette catégorie de populations est laissée pour compte à tous les niveaux et elle subit l’exploitation, la précarité et la marginalisation», avant d’ajouter : «Nous travaillons maintenant sur la formation, la qualification et le renforcement des capacités des travailleurs migrants, dans des domaines et métiers différents que demande le marché marocain d’emploi. La formation et l’apprentissage restent une nécessité accrue pour les migrants, ainsi que la connaissance de la langue du pays d’accueil et de son dialecte».
Ce ne sont pas les objectifs de son syndicat seul, mais aussi les objectifs de l’association «Afric Culture» dont il est le Secrétaire général du Bureau exécutif. Au bureau de l’association, situé près de la Place Ibn Yacine, dans le quartier Ikdal de Rabat, Marcel indique qu’«elle est sur le point de fournir 30 bourses de formation en assistance sociale, dans le domaine d’infirmerie et d’accompagnement sanitaire. Une formation soutenue par une bourse d’études spéciales et des stages dans les hôpitaux marocains».
Selon le migrant congolais, le séjour de 20.000 migrants subsahariens au Maroc a été réglé définitivement. En même temps, ajoute-t-il, le séjour de 8.000 autres migrants sera réglé dans les plus brefs délais. A l’âge de 20 ans, Omyeto a élu domicile à Kinshasa. Il a cherché de l’emploi auprès d’un gouvernement qui ne donne pas grande importance à la chose publique. Le faible revenu des fonctionnaires et la corruption en sont pour quelque chose. Marcel a rencontré de grandes difficultés pour vivre dans ces étangs boueux entourés de l’absence de toute transparence ou prospérité. Il s’est retrouvé alors dans le camp de l’opposition et de la contestation. C’est là que le syndicalisme a commencé à grandir en lui comme un germe dans une terre fertile.
Son espoir d’intégrer un environnement de réformes et de changements, l’accompagna jusqu’à son pays d’exil, le Maroc. Au Maroc, Marcel fonde, le 1er mai 2012, le premier syndicat de travailleurs migrants. Il déclare avec reconnaissance: «Ali Lutfi (le célèbre syndicaliste marocain, leader de l’Organisation démocratique pour le Travail, ndlr) nous a reçus chaleureusement et nous a fourni toute l’assistance possible».
Omyeto, à travers son talent musical, en plus de ses actions associatives et syndicalistes, cherche à casser les stéréotypes sur les migrants subsahariens. Des stéréotypes nourris des constats des gens de la rue. Ceux-ci voient le nombre des migrants se multiplier dans les routes et les places publiques. Ils mendient. Ils supplient les passants. Ils exercent des métiers méprisables. Certains d’entre eux prennent le Maroc pour juste un passage. Mais, ils y sont coincés. Notamment dans les régions du Nord, près de Ceuta et Melilla considérés comme étant deux territoires européens.
Marcel a mis sa touche sur cette image. Il veut la modifier, en compagnie de certains de ses collègues, musiciens et syndicalistes.
Marcel ! Il te reste encore un chemin long et dur.
Je te souhaite bon vent porteur de bonheur. L’espoir ne te manque certes pas. Et il est sûr que les chansons d’amour ne te font pas défaut.