L’absence d’équipements dans l’établissement local a nécessité alors son transfert vers la ville d’Arrachidiya, à 200 kilomètres environ du centre d’Alnif. La jeune femme est décédée de ses saignements à trois kilomètres de l’hôpital.
Selon les dires de Salah Bouykyouch, le veuf de Fatma ben yechou qui a laissé derrière elle six enfants, la situation est restée la même depuis. Rien n’a changé, malgré les manifestations et les slogans scandés alors par les habitants de la région pour améliorer les conditions sanitaires du dispensaire et que soient fournis les équipements médicaux nécessaires ainsi que le personnel qualifié.
Bouykyouch, âgé de 47 ans et coiffeur de son état, se rappelle encore de ce qui est arrivé à son épouse défunte. Ce jour-là, il était parti travailler à Alnif. Sa propre fille était allée chercher la sage femme de la petite localité. En arrivant, cette dernière découvrit que la femme avait déjà accouché du premier jumeau. Elle l’aida donc à délivrer le second.
D’une voix triste, il poursuit son récit : « Ce matin-là, j’étais parti travailler. On m’a appelé pour me dire que l’état de santé de mon épouse était au plus mal après l’accouchement et qu’il fallait la transporter immédiatement au dispensaire d’Alnif. L’absence de poches de sang et d’équipements nécessaires pour arrêter l’hémorragie nous ont poussés à la transporter vers la ville d’Errachidiya. Elle est malheureusement partie avant notre arrivée à l’hôpital».
Avec des gestes nerveux, notre interlocuteur commente cette situation, indigné : « Nous avons besoin de cadres médicaux qualifiés et non pas d’étudiants stagiaires ! ». De plus, fait-il remarquer, le dispensaire local manque des équipements les plus élémentaires. Il est honteux, pense-t-il, que cet établissement de santé qui draine une population dont la densité démographique atteint les 50 mille personnes, provenant de trois provinces à la fois qui sont Hasiya, Messissi et Alnif centre, demeure encore « sans climatisation ni échographes ».
Ainsi, pour accoucher, les femmes de la région font appel aux sages-femmes traditionnelles qui héritent de ce métier de mères en filles. L’une d’entre elles, que nous avons choisi d’appeler Roukaya, affirme avoir pris l’habitude d’aider les femmes à accoucher en se basant sur sa relative expérience en la matière. Elle explique aussi que « les femmes de la région ne s’adressent à l’hôpital que dans les cas difficiles qui nécessitent une intervention chirurgicale ou quelque chose dans le genre ».
Non loin d’Alnif (près de quatorze kilomètres), à Douar Azkour, nous interrogeons Ben Brahim Al Hussein, un commerçant de 59 ans, sur l’état de santé de la ville. Il nous répond : « En 1985, un petit dispensaire a été construit par la tribu et il a présenté quelques petits services aux citoyens après qu’un infirmier y a été engagé. Mais, malgré la souffrance des habitants, ce petit centre de santé n’était pas muni d’équipements médicaux. En 2001, un nouveau dispensaire a été construit au Douar mais, jusqu’à ce jour, il n’a pas été relié à l’électricité de même qu’on ne lui a pas fourni les équipements médicaux nécessaires. L’infirmier vient donc tous les jours, ouvre la porte, y reste jusqu’à la fin de ses horaires de travail puis referme à clef et repart… ».
Ben Brahim ajoute encore : « Les femmes enceintes souffrent beaucoup lors des accouchements, puisqu’elles sont obligées de se déplacer depuis Douar Azkour jusqu’à la circonscription d’Alnif. Or, l’arrivée de l’ambulance jusqu’à nos campagnes peut prendre beaucoup de temps, en plus de celui que nécessite le transport de la femme enceinte sur les 200 kilomètres qui mènent vers la ville d’Errachidiya ».
Ces longues distances sont en effet à l’origine de plusieurs aléas qui interviennent en cours de route et que Ben Brahim résume en disant : « Certaines femmes accouchent en pleine route ; d’autres meurent. D’autres encore reviennent mais le plus souvent, lorsque ce n’est pas la mère qui est morte, c’est l’enfant…». « Il est arrivé plus d’une fois qu’une femme ayant accouché en cours de route soit ramenée avant même qu’elle soit arrivée jusqu’à l’hôpital », explique-t-il encore.
Notre interlocuteur lance enfin un appel aux responsables du secteur de la santé, dans l’espoir de voir bientôt « la création d’un dispensaire qui présente des services d’obstétrique dans la circonscription d’Alnif et ce afin de diminuer la distance parcourue par les femmes enceintes de la région et de réduire ainsi leurs souffrances ». Il a également revendiqué qu’une infirmière soit affectée dans le dispensaire d’Azkour supposé drainer également la population des douars voisins. « Le logement est bien disponible et il ne manque que l’infirmière », explique-t-il.
A son tour, Abdelhakk Moussaoui, membre de l’association « Badr » à Azkour, fait remarquer que la société civile a présenté plusieurs demandes auprès de la Délégation Régionale du Ministère de la Santé dans la province de Tanghir, portant notamment sur « la construction d’une clôture pour le dispensaire, le raccord de l’établissement à l’électricité en plus de la nécessité d’y affecter un médecin et une sage-femme, d’y établir une permanence et d’augmenter les rations en médicaments ».
Commentant cela, Mustapha Attayeb, le Délégué Régional de la Santé à Tanghir, déclare : « Le Ministère travaille dans le cadre d’un partenariat avec la communauté des villageois d’Alnif, ainsi qu’avec le Conseil Régional pour que soient créés des services d’urgence au centre d’Alnif en plus de la reconstruction du dispensaire, y compris les salles d’auscultation, de travail et tout le reste ».
Attayeb précise également que le budget alloué à ce projet est « estimé à 350 millions de centimes » qui seront employés à « munir le dispensaire d’équipements et de cadres médicaux suffisants en plus de la création d’un service d’urgences qui sera ouvert en permanence, 24 heures sur 24 heures », surtout que la région d’Alnif est un pôle touristique stratégique connu pour être la scène de nombreux accidents.