Hamdi Amor Hadded est un jeune trentenaire de la ‘classe’ des « Mâallmines ». Il est originaire de la ville de Laâyoune et il a un doctorat de droit obtenu de l’université Mohamed V de Rabat. Il travaille comme administrateur central dans la même ville.
Le poste de Hamdi et ses titres scientifiques ne lui ont pas épargné de subir la hiérarchie de la société sahraouie qui interdit aux personnes appartenant à la catégorie des « Mâallmines » de conclure des mariages en dehors de leur appartenance de classe, les obligeant à se marier exclusivement entre eux.
Malgré la culture, l’émancipation et l’éducation acquises par les jeunes de cette classe, qui ont largement dépassé les enfants d’autres classes, se prétendant de nobles origines ou des « Zwaya » (les religieux érudits), il n’en demeure pas moins que la tradition implacable de ne pas leur donner en mariage les jeunes filles des autres clans soit toujours de rigueur.
Dr Hamdi attribue les causes de cette rigidité au fait que l’émancipation que connaît la société sahraouie soit nouvellement acquise en comparaison avec le caractère archaïque des normes encore en vigueur. Il explique aussi que la disparition de ce genre de contraintes et de références surannées peut perdurer davantage et risque de ne pas se faire avec cette génération ni même avec celle qui va suivre mais qu’il se fera certainement un jour grâce à une jeunesse cultivée et trop clairvoyante pour se soucier obstinément, chaque fois qu’il est question de mariage, sur l’origine du mari et de la mariée : « De quelle classe êtes-vous et qui est votre père ? ».
Omrana Bilel est une jeune fille de la même classe que Hamdi. Avec un large sourire sur les lèvres, elle nous raconte comment elle a été obligée d’attendre que son prétendant vienne de l’étranger. Il est mauritanien, certes, mais c’est son cousin. Car, en Mauritanie, prédominent les mêmes valeurs tribales et culturelles que celles en vigueur au Sud marocain.
Omrana nous explique que, ne voyant aucun de ses cousins marocains venir la demander en mariage, elle n’a pas pu se caser, jusqu’à ce que son prétendant arrive enfin de Mauritanie et c’est ainsi qu’elle peut se féliciter aujourd’hui d’avoir un foyer et une famille. Sans cela, elle aurait très probablement fini vieille-fille comme de nombreuses femmes sahraouies qui croulent sous le poids du code tribal impitoyable qui ne leur permet de se marier qu’avec leurs cousins exclusivement.
Afin de mieux comprendre les manifestations et les aspects problématiques de la hiérarchie tribale dans la société sahraouie, nous avons contacté M. Aidid Lahbib, sociologue et cadre à l’Agence du Développement des provinces du Sud, il insiste d’abord, sur l’égalité stipulée par la religion musulmane entre les êtres humains, sans que nulle différenciation ne soit faite entre noirs et blancs.
Il souligne toutefois qu’il est difficile pour une société qui se fonde sur une nette différenciation des classes sociales de se débarrasser de l’intolérance qui va très souvent au-delà de l’interdiction des mariages pour toucher même l’interdiction des prêches à la mosquée. En effet, certains refusent le prêche d’autres, sous prétexte qu’ils leurs sont inférieurs du point de vue du statut social. Cela prend des générations entières pour se débarrasser de tels phénomènes sociaux, conclut-il.