"Bagdad" qui est âgée de quinze ans et "Barghoutha" qui a deux ans de plus que sa sœur refusent catégoriquement de paraître dans une vidéo mais acceptent volontiers de nous faire part de leur histoire.
La dernière étape du périple les a menées vers la ville d’Agadir au Sud, c’était la ville de Casablanca au centre du Maroc. « Il n’y a pas une semaine, nous sommes venues de Casa et nous repartons cette nuit… Ma grand-mère est malade… elle est là-bas avec ma grande sœur, son mari, et nos parents… Nous devons aller la voir avant qu’elle ne rende l’âme », confie "Barghoutha".
Voyant "Barghoutha" se taire un moment pour essayer de cacher sa douleur en enterrant son regard dans le sol, "Bagdad" reprend le fil de l’histoire avec une innocence et une spontanéité que la cruauté de sa condition n’est pas parvenue à lui ôter : « Nous sommes entrés au Maroc de façon clandestine à travers l’Algérie… Nous avons marché un peu avant de nous rendre en voiture dans la ville d’Oujda… Et pour venir chercher du pain au Maroc, nous avons dû payer un argent fou en dinar algérien… je ne sais pas combien… mais cétait une somme faramineuse… ». Retrouvant enfin son semblant de sourire, "Barghoutha" poursuit en disant : « Nous louons une chambre ici dans les logements de la marine et nous y logeons avec nos deux petites familles : ma sœur et son mari ainsi que moi et le mien. Cela nous coûte cent dirhams… ». Puis, l’air de se rappeler un souvenir heureux, elle ajoute en dessinant un sourire plus large sur sa bouche : « Nos mariages, nous les avons célébrer ensemble, à Casa. Nos époux sont des cousins à nous ».
Le mariage des mineures n’est pas désapprouvé dans leurs traditions sociales, nous expliquent les deux jeunes filles. " Barghoutha", du haut de ses dix-sept printemps, paraît plus déterminée que "Bagdad" et mène d’ailleurs la discussion. Elle est enceinte de deux mois. Attendant impatiemment ce bébé, elle se caresse le ventre en souriant malgré les circonstances misérables où elle se trouve. Interrogée sur la difficulté de mendier ainsi, debout du matin jusqu’au soir, sous un soleil de plomb, dans son état et avec son corps frêle et malingre, elle répète sans se défaire de son sourire : « Peut-être que ce bébé sera la clé de notre prospérité… qui sait, peut-être… ».
Les deux jeunes syriennes nous ont quittés en souhaitant que la Syrie retrouve sa quiétude d’autrefois, l’espoir titillant toujours leur optimisme, même si l’horizon ne présage nullement d’une joie imminente. « Nous n’avons pas de télévision pour voir ce qui se passe en Syrie… et en même temps, nous ne pouvons pas retourner au pays pour l’instant car nos époux sont recherchés par le régime. Dès qu’ils y mettront les pieds, ils seront arrêtés pour être enrôlés. Sinon, qui ne voudrait pas vivre dans son pays ?! », confie "Barghoutha" sur un ton triste en nous faisant ses adieux.
Paul Cavalieri, le représentant du Haut Commissariat pour les Réfugiés des nations Unies, section Maroc, avait précédemment déclaré à certains médias que « soutenir les réfugiés syriens qui fuient l’enfer de la guerre représente une priorité absolue et obéit à la logique du cas par cas en donnant la priorité aux femmes et aux enfants ».
Cavalieri explique encore que « le Haut Commissariat pour les Réfugiés des Nations Unies, section Maroc, consacre pour chaque réfugié la somme de 300 dirhams, de telle sorte qu’une famille composée de quatre personnes peut percevoir jusqu’à 1200 dirhams à peu-près ». Cependant, cette somme n’est pas régulière et n’est souvent versée qu’une fois tous les trois mois.
Cavalieri a par ailleurs assuré que le Haut Commissariat a des partenariats avec des organisations non gouvernementales qui contribuent à fournir l’argent destiné à venir en aide aux réfugiés mais il a refusé de préciser le montant de l’aide accordée à la section Maroc du Haut Commissariat pour les Réfugiés, se contentant de dire que « cette question n’avait aucune importance ».
Le haut responsable a également énuméré d’autres avantages que le Commissariat fournit aux réfugiés, tels que le droit aux visites médicales à domiciles et aux soins gratuits, en plus de la scolarisation des enfants au sein des écoles publiques marocaines. Mais il a toutefois fait remarquer que le logement social n’est déjà pas disponible au Maroc, pas même aux Marocains.