Dans les avenues et les ruelles des souks, au niveau des feux de circulation ou dans les boutiques, on croise tous les jours des centaines, pour ne pas dire des milliers, de mineurs, filles et garçons, contraints à travailler pour subvenir aux besoins des plus âgés. Ces derniers estiment qu’ils y sont obligés pour garantir les coûts de l’éducation et apprendre aux petits la vie, abstraction faite de sexe ou de l’âge. La mère, le père ou même la tante se trouve un coin à l’ombre et s’allonge en regardant les enfants affronter l’enfer de la rue qui les prive de leur innocence juvénile.
Salah, un enfant de 11 ans, est venu, seul en bus, de Tétouane à Casa. Pas pour y passer les vacances scolaires auprès de sa famille, ni pour jouer et découvrir la ville. Il a perdu son père depuis 4 ans et sa mère l’a laissé avec sa grand-mère et s’est rendue à Sidi Slimane pour y travailler. Il s’est trouvé contraint de subvenir, seul, à ses besoins. Salah a entre les mains des ballons multi couleurs. Malgré ses petites mains et bien que les ballons soient beaucoup plus grands que lui, il arrive à en tenir des dizaines. Il est petit et son accent le différencie des autres enfants du passage « Amir moulay Abdallah » à Casablanca.
Salah nous a raconté comment sa tante l’a conduit au souk « Darb Amor » (centre de Casablanca). L’enfant a demandé la permission de sa tante avant de parler. Elle l’accompagne depuis le 1er jour dans ses tournées commerciales. « Darb Amor » était le premier espace où il a appris le commerce et où il a touché ses premiers 50 dirhams, issus de la vente de ballons. Il a gagné 66 dirhams lors de son deuxième jour, là où nous l’avons croisé. Sa tante assure qu’elle garde tout cet argent pour qu’il puisse poursuivre ses études. Salah n’a ni rêves, ni souhaits.
Sa tante nous a indiqué que vendre ce que lui tombe sous les mains n’est pas un choix pour Salah, estimant qu’il effectue une activité bénéfique pour sa vie puisqu’elle lui permet de poursuivre ses études.
Non loin de Salah, plusieurs enfants exercent le même métier, avec différents produits, à l’instar des chewing-gums et des mouchoirs. Ce qu’ils font s’apprête plus à de la mendicité qu’à de la vente. Pendant ce temps, leurs parents discutent, à l’ombre, et ne cessent de les gronder pour travailler davantage.
Un groupe de filles mineurs sont installées derrières des machines à coudre, sans contrats de travail, totalement exposées aux envies des patrons, sans horaires fixes de travail et sans salaire fixe. Leur situation sociale les oblige à accepter toutes les conditions pour trouver du travail.
Entre les ruelles des cités « Sidi Moumen » et « Barka 1 », un groupe de petites usines inconnues s’est installé. Rien ne fait allusion aux activités qu’elles exercent. Même pas une enseigne. Les demandes d’emploi ne s’arrêtent jamais. Chaque matin, tôt, des filles, en majorité des mineurs, accompagnées ou seules, attendent que quelqu’un de l’intérieur leur permet de travailler. Une attente lente, surtout que les filles ignorent complètement ce qui les attend à l’intérieur.
Pas de stabilité, ni de droits, ni d’assurance contre les accidents de travail, ni d’horaires fixes, c’est ainsi que Sana, une petite fille âgée de moins de 15 ans, décrit son expérience au sein d’un groupe de petites entreprises. Elle affirme avoir été victime de harcèlement sexuel de la part de ses anciens patrons, sans tenir compte de son âge, et qui ont profité de sa situation sociale.
Dans les trous d’esclavagisme la rémunération est dérisoire et ne dépasse pas 150 dirhams (environ 15 dollars) par semaine. Il peut être abaissé sans raison si le patron le décide.
« Ici, peu importe si t’es douée en tel ou tel métier. Le plus important c’est que tu sois patient face à l'humiliation et que tu acceptes toutes les demandes de ton patron », raconte Sana. Et puisque ces filles n’ont pas 18 ans, leurs droits sociaux leur sont enlevés. « Nous pouvons travailler toute la journée, même le samedi, si le patron le souhaite. Il nous est arrivées de travailler plus de 12 heures par jour », confie-t-elle.
Tout au long de l’avenue « Mohamed 6 », près des plus grands complexes commerciaux de Casablanca, plusieurs vendeurs ambulants, dont beaucoup de jeunes, se regroupent, pas loin de leurs proches. Une femme, assise à même le sol, vend les ustensiles de cuisine. Rien d’extraordinaire jusque là. Sauf qu’à ses pieds reposent deux petites filles âgées de 8 et 12 ans. Leur mère évoque la pauvreté et l’absence d’un homme à la maison comme prétexte pour avoir utilisé ses deux filles.
Wafa et sa sœur suivent toutes les scènes choquantes dans ce lieu d’une grande affluence. Elles respirent la fumée des voitures et écoutent toute sorte d’insultes au lieu d’être en train de jouer dans des espaces adéquats.
Loin de l’avenue « Mohamed 6 », en direction du souk populaire de la cité « Sbata », plus exactement au village « Jamaâa », des enfants vendent les sacs en plastique. Selon les expériences de nombre d’entre eux, ils finissent par se droguer, surtout en sniffant du diluant. Ils n’ont pas d’endroits fixes et leurs parents trouvent du mal à les localiser dans cette foule. Ils font leurs tournées tôt le matin dans le souk pour se reposer après jusqu’à 16 heures. Ensuite, ils reprennent leurs activités pendant toute la soirée.