Fatma Al Msaâdi, c’est l’histoire d’une militante qui avance sur deux béquilles, un parcours de 33 ans qu’elle a entamé comme membre de l’unique association de la ville d’El Aâyoun, active dans le domaine des droits de l’homme depuis 1982, avant de finir aujourd’hui par en prendre le commandement. Une personnalité calme, profonde, posée mais aussi audacieuse lorsqu’il s’agit de défendre les droits élémentaires des membres de l’association à la dignité, au travail ou encore aux facilités de mouvement et de transport. Telle une abeille au miel généreux, elle ne cesse de couvrir de ses soins les personnes qui ont besoin d’un sourire, d’un encouragement ou qui voudraient qu’on leur serre le bras.
Fatma avait à peine quatorze printemps quand elle a frappé aux portes de l’association. Poussant un soupir, le regard naviguant au loin, elle se remémore cette époque : « Lorsque nous allions, à l’époque, chez les familles de personnes handicapées, nous étions souvent renvoyés et maltraités… Les parents ont généralement honte de dire qu’un de leurs enfants est handicapé, comme si c’était un déshonneur ou un châtiment infligé à des personnes malfaisantes ! Nous avons vu pire que cela… Certains avaient même l’indécence de nous demander combien nous comptions donner à leur enfant handicapé, qui devient à ce moment-là un simple outil de marchandage… C’est l’obstination des dirigeants de l’association à l’époque qui nous donnait de l’enthousiasme et de la persévérance afin de sensibiliser la société et les familles et même de faire prendre conscience aux personnes handicapées elles-mêmes de leur doit à la vie ! ».
Quiconque verrait aujourd’hui l’énergie la bonne gouvernance avec lesquelles Fatma dirige l’association, mesurerait toute la force de caractère dont elle dispose et en oublierait ses deux béquilles.
Célibataire à 47 ans, n’ayant jamais été mariée, elle répond avec un sourire narquois à la curiosité que suscite en nous sa situation sociale : « Soyons clairs : la femme handicapée n’est rien dans la société kabyle. Elle est complètement exclue. La société lui est hostile et ne la perçoit pas comme une femme capable de fonder une famille et de faire des enfants. Sa vie sociale est inexistante. Elle pourrait tout au plus, avec une chance inouïe, vivre au sein d’une famille compréhensive qui accepte son handicap et la couvre d’amour et de tendresse. Elle pourrait alors prétendre à une vie sociale épanouie avec des amies et des proches qui l’admettraient dans leurs cercles… Car souvent aussi, la famille porte à sa triste existence le coup de grâce en l’empêchant de vivre et de compter sur elle-même, ce qui finit par lui léguer une tare mentale, en plus de son handicap physique. Les familles doivent absolument laisser les personnes handicapées libres de vivre pleinement, de penser et de créer car nous pourrions avoir des talents que les autres n’ont pas ; elles doivent nous accorder nos droits ! ».
Grâce aux efforts continus et à la persévérance de ses membres actifs, qui sont pour la plupart handicapés, l’Association d’Aide aux Personnes Handicapées, « LADEF » est aujourd’hui membre de la Ligue de la Défense des Droits des Personnes Handicapées et de la Fondation Internationale des Personnes Handicapées au Maroc. Elle a également eu l’initiative de faire paraître une brochure résumant le rapport final sur l’intégration politique des personnes handicapées et leur implication dans l’observation des élections régionales et nationales.