Et même si, dans les agences de voyages, l’on a tout le loisir d’observer de nombreuses familles faisant la chaîne pour se payer des destinations (Tunisie, Maroc, Espagne, France et Turquie) la vérité est que la majorité des Algériens peinent à terminer les fins de mois. Que serait-ce donc se payer une villégiature…
« J’ai un salaire de 60 000 DA (moins de 350 euros) et avec cette somme, j’ai du mal à nourrir décemment ma famille composée de six membres. Quant à partir en vacances, ce n’est jamais un projet pour moi, mais un rêve… », affirme Abdallah Lalem, conseiller pédagogique dans un centre de formation et d’apprentissage.
Pourtant, des Algériens pas mieux lotis que Abdallah se permettent des escapades en Tunisie par route, pour ne donner que cet exemple, puisque ce pays voisin est devenu la Mecque des « petites » bourses. Contradictions ?
« Vous savez, il ne faut pas se fier à ces cas (et ils sont nombreux) pour en faire une conclusion hâtive : des pères de famille se sacrifient pour partir en vacances, surtout en Tunisie. Souvent, ils s’endettent pour faire plaisir à leurs enfants. Ironie du sort, partir en Tunisie leur revient moins cher que se payer une semaine au bord de la mer dans leur propre pays. C’est cela la vérité. Il faut comprendre que ceux qui partent chez notre voisin de l’Est payent tout chez eux en dinars algériens (transport, hôtel et restauration…) » explique Kamel M, sociologue.
Grands voyageurs, les Algériens ont quand même tempéré leur ardeur ces trois dernières années.
L’explication est peut-être dans cette déclaration de l’ancien gouverneur de la banque d’Algérie, Badr Eddine Nouioua, faite au journal El Watan au mois de décembre 2015. «Les premiers signes de cette perte de confiance, commencent à se faire constater sur le marché parallèle de la devise, où il y a une flambée qui incite à la fuite des capitaux, pouvant engendrer un appauvrissement des ressources du pays et de la masse monétaire que les pouvoirs publics veulent mobiliser pour relancer l’activité économique.» Et d’ajouter « D’une manière générale, la dépréciation de la valeur du dinar algérien est préjudiciable à l’économie. Elle va, certainement, accentuer la baisse du pouvoir d’achat des ménages, accroître le coût de revient de la production des entreprises et décourager beaucoup d’entre elles à investir ».
Prophétie ou expertise d’une situation, toujours est-il que l’Algérien est rattrapé par cette analyse de l’ancien gouverneur.
Par les chiffres, le citoyen algérien s’appauvrit en plus en plus, depuis la baisse de plus de 50% des recettes d’hydrocarbures. C’est d’autant vrai que son pouvoir d’achat est à plus de 80% de la distribution de la rente pétrolière.
Pour le professeur Abderrahmane Mebtoul, expert international management stratégique «Le constat unanime est que l’Algérie est un Etat riche avec environ 190 milliards de dollars dont 86% déposées à l’étranger, mais une population de plus en plus pauvre où 70% perçoit moins de 20.000 dinars (environ 1 10 euros environ) par mois consacrant plus de 80% de ce modeste revenu aux biens de première nécessité. L’importance de l’endettement croissant des ménages, de la vente de bijoux de famille et des couffins du ramadan de plusieurs milliards de dinars ( distribués par l’Etat aux pauvres pendant le mois du Ramadhan) en est le témoignage… »
Des enseignants dont les salaires ont été revus à la hausse, il y a un peu plus d’une année, grâce à leur pression sur le gouvernement (grèves à répétition » estiment que « nous passons nos vacances en Algérie et, depuis l’année dernière, en Tunisie, grâce aux œuvres sociales. Sans celles-ci, on ne pourrait dépasser le seuil de nos maisons tant la cherté de la vie est flagrante… »
L’Algérien globe trotter, flambeur… est un cliché qui perdure, malgré une réalité amère : un pays riche, des citoyens pauvres…