Les causes de cette disparition sont multiples: la cherté de la matière première, la démission des pouvoirs publics, la concurrence déloyale générée par l'importation des produits moyen-orientaux, l'absence de la relève…
Bizarrement, récemment, les responsables locaux ont organisé des journées portes ouvertes sur l'artisanat avec, comme thème majeur «l'estampillage». Un terme mis en exergue pour, disent les organisateurs, «donner au produit artisanal un repère identitaire, culturel et civilisationnel».
Pourtant, il y a quelques années, le tapis tlemçani n'avait pas besoin d'estampillage pour être reconnu et apprécié de par le monde.
Mounir, tapissier de père en fils s’insurge « Ne faudrait-il pas trouver des moyens adéquats pour redorer le blason de ce produit «tué» dans l'anonymat par une politique économique de bazar? Rappelons que, pendant les années 1970, cette profession artisanale employait plus de 150 000 personnes, des femmes en majorité, et que les humbles artisans avaient exporté de leurs modestes boutiques plus de 450 000 mètres linéaires. A la place des tables rondes et des portes ouvertes, il faudrait, peut-être, écouter les quelques artisans qui restent »
Bachir, qui s’est reconverti dans la restauration, mais qui a quand même cédé sa boutique à un beau frère, dénonce les contradictions de l’administration « On impose les artisans sur un chiffre d'affaires de cent mille dinars (l’équivalent de 8 00 euros) alors que beaucoup parmi ces artisans n'ont aucune connaissance de la gestion, notamment fiscale. Beaucoup d'entre eux ont été pénalisés par l'administration des Impôts. Pourtant, au début, il était convenu d'un forfait de 5000 DA par an (l’équivalent de 50 euros). Mais, comme les lois changent tout le temps, les artisans ont fini par être déboussolés».
Mounir revient à la charge, en abondant dans le même sens que Bachir « Nous avons eu bon espoir de nous adhérer à la Chambre de l'artisanat et des métiers et ce, dans le but de préserver et valoriser notre riche patrimoine culturel et traditionnel, mais aussi le transmettre à la nouvelle génération. Cependant, les mesures fiscales, parafiscales et les déclarations des élèves-apprentis à la CNAS (Caisse d’assurance) sont en nette contradiction avec les objectifs assignés en matière de développement du secteur de l'artisanat et commencent à décourager plus d'un artisan.»
Outre les tracasseries administratives, les artisans souffrent de la concurrence déloyale.
À quoi sert d'organiser des expositions de produits artisanaux et traditionnels, lorsque les gens du métier éprouvent les pires difficultés pour façonner un objet d'art et l'écouler sur le marché ?
Il faut dire une réalité, aussi : en dehors de la bureaucratie et la politique incompréhensible de l’Etat vis-à-vis du métier d’artisan, le pouvoir d'achat en Algérie fait que les Algériens optent pour les prix bas, même si le produit est de mauvaise qualité. Et c’est malheureux…
Pour les rassurer, le directeur de la chambre de l'artisanat et des métiers a promis de «soumettre ces préoccupations au ministère de tutelle afin d'alléger ces charges, de soumettre les maîtres-artisans à un régime spécial et de leur accorder des facilités afin d'éviter les erreurs du passé».
En attendant une éventuelle réponse du ministère de tutelle, ce métier meurt à petit feu…