Sans publicité, car ces ouvriers qualifiés travaillent dans la clandestinité. Enfin, presque, puisque, ironie du sort, des infrastructures étatiques, tels que la Cour du nouveau tribunal et l’aéroport de Tlemcen, entre autres, portent les empreintes de ces mains expertes dans l’art du plâtre et de la mosaïque.
Des artisans qui ont la côte, dans le sens où ils sont sollicités par de grandes entreprises privées et publiques, de toutes les wilayas du pays. C’est un secret de polichinelle et hypocrisie des autorités algériennes : épisodiquement, des rafles sont menées par les services de sécurité pour arrêter et déférer devant le parquet de Maghnia, surtout, ces Marocains « en situation irrégulière », puis refoulés dans leur pays par le poste frontalier de Akid Lotfi, fermé depuis 1994.
Abderrahmane, peintre professionnel originaire de la ville chérifienne de Fès est dépité « Nous sommes très demandés par nos frères algériens. Avant le creusement des tranchées et l’érection du grillage sur le tracé frontalier, on n’avait aucune difficulté pour traverser, moyennant une contribution financière sur les lieux. Aujourd’hui, on prend l’avion de Casablanca à Alger pour travailler chez des privés et dans des entreprises qui ont pignon sur rue. Tout le monde est au courant de notre présence ici, le problème, c’est qu’on continue de tolérer cette présence, mais souvent, on se fait arrêter et refouler, c’est hypocrite ! »
Jamal, plâtrier de renom, est lui aussi embarrassé « Pourquoi ne pas nous régulariser et nous permettre de travailler dans les règles ? C’est incompréhensible, notre savoir-faire est très demandé ici et l’Algérie manque cruellement de main d’œuvre… »
La réalité est bien là : en Algérie, il est difficile de trouver un maçon, un plâtrier, un plombier, un soudeur et même de simples manœuvres. Ces secteurs ont été abandonnés par les jeunes parce que l’Etat leur a offert des dispositifs d’emploi où tout le monde est devenu chef d’entreprise sans produire. Une façon de calmer ces jeunes. Une forme d’acheter leur silence.
Curieusement, les Chinois ont toute la latitude de travailler… sans véritable contrôle des responsables. On a même l’impression que des instructions ont été données aux inspecteurs de travail de ne pas les déranger. « Pourquoi faire appel aux Chinois, alors que nous sommes tout près ? » s’interrogent ces artisans marocains.
Et même si des accords ont été signés entre elle et le Maroc, concernant le travail de leurs ressortissants dans leurs pays respectifs, l’Algérie ne semble pas trop les respecter, dans le sens où pour obtenir un permis de travail, c’est quasiment du domaine de l’impossible au vu du dossier à fournir.
En attendant une entente bénéfique pour l’économie des deux pays frère, ces précieux « travailleurs au noir » continuent de gagner leur pain dans des conditions pénibles et souhaiter un statut légal « Au nom du Grand Maghreb, régularisez-nous ! » revendiquent Abdallah, Jamal et consorts…