Deux conclusions ressortent des chiffres d’ElKa Consulting, perceptibles par ailleurs à travers les manifestations citoyennes. Il y a, d’une part, la crise de confiance entre les Tunisiens et leur classe politique. D’autre part, il y a l’émiettement récurrent de cette même classe politique.
Nidaa Tounes, le 1er des partis politiques à continuer à bénéficier de la sympathie, n’obtiendrait que le soutien de 12,9 % de la population électorale, correspondant à 27,3 % de ceux qui ont accepté de s’exprimer. Il est à souligner que 52,8 % des interviewés refusent d’accorder leur soutien à l’une des formations en place.
Pour analyser ces résultats, Docteur Tasnim Gazbar, l’universitaire et activiste politique, sympathisante un temps de Nidaa Tounes, retient d’abord le taux d’abstention de 31,5% qui rafle la première place des intentions. Ensuite, il y a les 18,9 % qui ne savent toujours pas pour qui voter et « temporisent pour voir grandir sur la place politique les nouvelles alternatives sinon des signaux forts de la part des partis au pouvoir ».
Un autre signal est important, selon Dr Gazbar. Nidaa Tounes se maintient premier mais avec un taux très faible : 12,9% du total mais, 27,3 % (quand même) des voix exprimées, ce qui traduit certes une perte de confiance par rapport aux 39 % qui ont voté pour lui lors des législatives. Mais, cela est attendu pour tout parti qui accède au pouvoir. ‘C’est l’usure de la gouvernance et c’est aussi la réponse de ses électeurs à ses divisions successives.
Pour ce qui est des islamistes d’Enahdha, ils n’obtiennent que 10,1%, soit 21,4 % des voix exprimées. c’est pourtant le parti devenu majoritaire à l’ARP et qui a accepté de partager le pouvoir à parts inégales avec Nidaa Tounes, en limitant sa présence au gouvernement à trois ministres. Les électeurs sympathisant des islamistes transmettent ici à Ennahdha un message très clair. ‘Ils sont déçus de l’alliance avec Nidaa, sans avoir leur réelle part de gâteau’, pense Dr Gazbar.
L’analyste pense que le Parti Ennahdha, étant le plus structuré et toujours le plus discipliné, aura sa chance de soigner ce taux aux prochains sondages, car il a encore la capacité de fédérer les siens et dispose de l’expertise de la vraie communication politique.
Le reste de l’échiquier est dominé par le Mouvement Irada de l’ancien Président Marzouki, qui grimpe en un laps de temps à 5,8 %, presque la moitié du taux de Nidaa Tounes, le parti qui gouverne. Il s’agit d’un signal fort d’une opposition qui s’annonce structurée et qui bénéficie de la popularité de Moncef Marzouki.
Pour Dr Gazbar, le mouvement Irada est le parti qui bénéficie du plus fort potentiel de croissance. Le parti de Mehdi Jomaa, est , lui-aussi, bien placé pour grimper sur l’échiquier des attentes politiques d’une population déçue du paysage qu’on lui offre en ce moment. Mehdi Jomaa est attendu probablement pour remplacer ce qui restera de Nidaa Tounes. Le front populaire est égal à lui-même avec 3,2 % des voix, soit le quart de Nidaa Tounes.
Pour les autres partis, une remise en question de leur plan Com est urgente ainsi que leurs formes, structures et leadership pour se rattraper et essayer de regagner la compétition.
En résumé, il n’y a pas de véritable nouvelle dynamique en marche, ni de nouvelles cartes en distribution de l’électorat. C’est plutôt une déception qui s’installe plus de cinq ans après la chute de Ben Ali.