Ce 16 janvier 2013, le destin de Tiguentourine bascule. Situé à une quarantaine de Km de la ville d’In Amenas, cet immense endroit, désertique mais riche en gaz naturel que l’on achemine jusqu’en Europe, vit ainsi l’attaque terroriste la plus spectaculaire et la plus sophistiquée jamais enregistrée contre un complexe gazier. Cette prise d’otages géante, qui fait l’objet d’études dans de grandes écoles militaires, se dénoue de façon sanglante au bout de deux jours et après un raid de l’armée algérienne. Le pire a été évité. Les terroristes ont été éliminés avant de faire exploser le site, qui représente 20% des exportations algériennes en gaz naturel.
Depuis, Tiguentourine est systématiquement associée à cette vaste attaque terroriste, qualifiée par le gouvernement d’un acte de «guerre» contre l’Algérie. Ce lieu-dit, Tiguentourine, perdu dans cette immense région d’Illizi, à 1500 Km au sud est d’Alger et près de la frontière libyenne, évoque encore, deux ans après les faits, de mauvais souvenirs pour les habitants qui se rappellent encore de ces moments de choc, de frayeurs et de grandes incertitudes sur leur avenir.
Les habitants de la petite ville d’In Amenas, érigée à quelques 40 Km du complexe gazier, n’arrivent toujours pas à oublier ce drame qu’ils vivent comme un cauchemar continu. «Ce jour-là, je suis resté chez moi. Je priais Dieu pour qu’il n’y ait pas beaucoup de morts. J’ai encore le vif souvenir d’une semaine de guerre. La ville s’est vidée en un clin d’œil de ses habitants. L’armée a vite pris possession des lieux. C’était impressionnant », se souvient Ibrahim qui travaille comme serveur dans un restaurant de cette ville la plus proche du complexe gazier de Tiguentourine. « Qu’est-ce qui nous séparait d’eux ? Quelques minutes de route en voiture, c’est tout », explique-t-il, se réjouissant du retour à la normale et du calme qui a suivi « ce grand malheur ».
Bien que la sécurité ait été nettement renforcée dans la région, les habitants restent méfiants et vivent dans la peur d’« un autre Tiguentourine ». Leurs rapports avec les étrangers et les gens de passage ont changé. Ils n’ont plus confiance en les visiteurs. «Comment voulez-vous qu’on soit tranquille ? Nous avons à nos frontières un véritable sanctuaire terroriste, un foyer de tension permanente. Qui dit que ces terroristes qu’on voit à la télé, armés jusqu’aux dents et qui tuent de sang froid ne rentreront pas sur le sol algérien ? Je ne sais pas ! Je sais que nos soldats sont sur le qui-vive. Mais le risque est pour moi permanent et élevé tant qu’il y a instabilité à nos frontières», commente un cadre dans une société privée qui avoue signaler systématiquement aux forces de sécurité la présence suspecte d’étrangers dans la ville.
Le fort déploiement des troupes de l’ANP dans la région est, pour notre interlocuteur plutôt «un signe d’un danger imminent». L’implication avérée de personnes de différentes nationalités dans la préparation de cette attaque accentue la méfiance des populations locales envers les étrangers. La sécurisation aussi bien de la ville d’In Amenas que du site gazier de Tiguentourine a été substantiellement améliorée. Sur le chemin du complexe gazier, qui carbure à plein gaz depuis quelques mois, sont dressés plusieurs points de contrôle de la gendarmerie nationale. La base de vie et le complexe qui reprend vie avec la reprise d’activité et le retour progressif des employés étrangers, est entouré de militaires lourdement armés, de chars et de batterie de missiles sol-air. C’est dire que l’Etat n’a pas lésiné sur les moyens pour protéger cet énorme gisement de gaz naturel de toute nouvelle agression.