Ces moyens consistent pour certaines jeunes filles à recourir, entre autres, aux régimes alimentaires, aux exercices de minceur, aux espaces de sports féminins…etc. Mais, pour d’autres, une belle silhouette consiste plutôt à prendre du poids, de quelque manière que ce soit, fût-ce en prenant des risques insensés, la fin justifiant les moyens semble-t-il…
En moins d’une semaine d’ailleurs, dans la zone frontalière de Tamanrasset, la douane algérienne a pu saisir 3750000 pilules nuisibles à la santé. Quelques jours plus tard, les services de police ont saisi 1030000 pilules du même produit, ce qui fait un total de près de cinq millions de pilules d’un seul et même médicament : le Dexamethasone.
Les saisies effectuées par la douane ont eu pour effet de soulever les interrogations au sujet des raisons pour lesquelles ces médicaments dangereux pour la santé, sont introduits en contrebande dans le pays. Au bout d’une enquête minutieuse, on a fini par trouver le surnom sous lequel la substance est connue dans la région : « l’essence de la vache » ou « le remède de la vache ». Et si ces appellations sont devenues très répandues parmi les jeunes filles et les femmes de Tamanrasset ces dernières années, c’est bien parce que les vendeurs de ces pilules ont dès le début évité avec précaution d’en révéler le véritable nom et cela afin de mieux les écouler dans le milieu des consommatrices en leur faisant croire qu’elles leur donneraient enfin la belle et attirante silhouette dont elles rêvent.
Fatma, qui est âgée de vingt-six ans, a une taille mince et beaucoup d’humour. En réponse à la question de savoir pourquoi elle avait prix ces médicaments malgré le risque qu’ils représentent pour la santé, elle nous explique qu’elle s’était administré cette substance durant une année et demie : « Je voulais obtenir une silhouette belle et attirante. Mon amie m’a alors apporté ce médicament qu’elle conservait noué dans un bout de sachet en plastique. Elle m’a montré une vingtaine de pilules en m’assurant qu’elles étaient la solution magique qu’il me fallait et qu’elles allaient m’aider à augmenter mon appétit. Je payais ce médicament entre dix et quinze dinars algériens sans me soucier le moins du monde de la manière dont il était vendu ni de sa composition et encore moins de son nom… Je l’achetais à une dame africaine… ».
Poursuivant son récit, Fatma ajoute : « J’ai ingéré cette substance pendant une dizaine de jours consécutifs. Je ne faisais rien d’autre de ma journée à l’exception de manger goulument et dormir. Mais en même temps, je ressentais une accélération des battements de mon cœur, ainsi que de la difficulté à respirer, en plus d’un œdème au niveau du visage et d’une raideur aiguë dans tout le corps… Cela m’a beaucoup inquiétée et j’ai eu très peur des contre-indications de ce médicament… Mais mon amie m’a quand-même demandé de continuer à en prendre, d’autant que les pilules ont commencé à montrer leur efficacité, ce que j’ai fait assez longtemps, même si parfois je les remplaçais par un autre médicament, le " Dexcure ", dont on me disait qu’il était nouveau et plus efficace mais dont j’ai appris finalement qu’il était de la même famille que le premier, tout comme j’ai découvert que toutes les substance qu’on nous vendait appartenaient au même générique : le " Dexamethasone" ».
« Tous ceux qui me voyaient me demandaient le secret de ma soudaine prise de poids. Moi qui, au meilleur de ma forme, n’avais jamais auparavant dépassé les quarante-deux kilos, je me retrouvais avec une vingtaine supplémentaire, de telle sorte qu’au bout de six mois de prise régulière de cette substance j’avais atteint un poids de soixante-deux kilos », ajoute Fatma avant de poursuivre : « Seulement, lorsque j’ai voulu arrêter la prise de ces pilules et me contenter du résultat obtenu, j’ai commencé à avoir des accès de mélancolie et à ressentir une perte d’appétit, ainsi que des maux d’estomac, à tel point que je ne parvenais même plus à boire de l’eau de façon normale. De même, chaque fois que je voulais manger, j’étais prise de nausées. C’est alors seulement que j’ai compris que cette substance entrainait un effet de dépendance chez quiconque en prendrait pendant un certain temps. Par la suite, j’ai commencé aussi à avoir des problèmes d’hyper coagulation sanguine, ainsi que des œdèmes au niveau des pieds… ».
Notre interlocutrice explique encore qu’elle avait compris également que même si les effets médicamenteux étaient différents d’une personne à une autre, cette substance entraînait immanquablement la chute des cheveux, le relâchement de la peau ainsi que de nombreux syndromes allergiques. Ayant été poussée à aller consulter un médecin, elle avait volontairement omis de dire qu’elle prenait cette substance, ce qui lui a valu d’innombrables allées et venues entre divers autres spécialistes en médecine interne et en cardiologie et qui lui ont tous, et de manière quasi unanime, certifié qu’elle avait des problèmes au niveau de la circulation du sang.
Fatma poursuit son récit en ajoutant : « Comme si de rien n’était, je me suis quand-même remise à prendre ce médicament. Cela a duré jusqu’à la survenue d’un incident qui m’a donné un profond sentiment de terreur… En effet, une jeune fille qui prenait les mêmes pilules en est morte. Le médecin était fort étonné de constater la gravité de l’état auquel elle était arrivée et surtout de constater la présence d’une étrange substance liquide sous la peau… C’est à ce moment-là que j’ai fermement décidé d’arrêter le médicament. J’ai donc franchement exposé mon cas au médecin interniste qui m’a assuré que cette substance est très dangereuse et qu’elle provoque de grandes lésions au niveau des globules blancs. Aussi m’a-t-il conseillé de procéder à un arrêt progressif des prises. Une année et demie plus tard, J’ai complètement arrêté le médicament et je commence d’ailleurs à constater les changements : mon poids a baissé, passant de soixante-deux kilos à cinquante-quatre. Mais trois mois après l’arrêt des prises, je souffre toujours d’une absence d’appétit… ».
Fatma explique encore qu’il n’est point exclu que cette substance soit à l’origine de problèmes de stérilité ou, du moins, à des retards de procréation. C’est en tout cas ce qu’elle a remarqué, dit-elle, chez toutes les jeunes filles qui avaient pris ce médicament avant de se marier.
Par ailleurs, et comme l’affirme Si Kacem, jeune homme vivant dans la province nigérienne d’Arlit et qui se rend assidûment dans la capitale du Hoggar, ce médicament, qui nous vient en contrebande de certains pays africains, est prescrit au Niger pour les malades souffrant de problèmes respiratoires. C’est ce qui a poussé les éleveurs du Niger à le prescrire au bétail, dans la mesure où il rend plus facile la respiration des animaux en les aidant à libérer les liquides muqueux, ce qui les fait paître d’avantage, leur fait prendre plus de poids et, par conséquent, accélère leur vente.
Afin de nous renseigner davantage sur ce médicament, le médecin généraliste, Dr. Soleimane Acharki, affirme que ce médicament est prescrit dans les cas d’allergies et de maladies respiratoires. Quant à la prise de poids qu’il entraîne, elle n’est qu’un parmi d’autres effets secondaires. Il assure également que le fait que cette substance médicamenteuse soit ingérée par des personnes saines les expose à d’infinis dangers, tels que la lésion irréversible de la glande thyroïdienne dont le fonctionnement risque de se trouver inhibé par les hormones, identiques, que le médicament contient à son tour ; ceci, en plus de plusieurs autres maladies graves…
L’"essence de la vache", comme on se plait à l’appeler ici, continuera longtemps à mettre en danger la santé des femmes courant derrière une silhouette idéalement belle et attirante, en attendant que soient organisées des campagnes de sensibilisation qui cibleront cette population féminine victime d’un rêve de perfection physique canonique et en attendant que leur soient expliqués les dangers mortels de ce genre de substances médicamenteuses, désormais en vente, du reste, dans d’autres Wilaya que Tamanrasset, comme nous le dit Fatma…