L’amélioration du taux de réussite aux examens de fin d’année dans la wilaya de Ouargla passe inexorablement par un apprentissage plus performant des langues étrangères. C’est un défi majeur autant pour les autorités locales que pour la société civile dont certaines franges ont décidé d’en découdre avec le positionnement déshonorant de cette grande wilaya du sud de l’Algérie qui campe depuis quatre ans dans les dix dernières places du classement national.
Nahla est une collégienne de 14 ans qui veut réussir son brevet d’enseignement moyen. Cette habitante de la localité de N’gouça, à 30kms de Ouargla, déplore l’inexistence de structures adaptées : « J’ai la hantise d’obtenir une moyenne qui ne me permettra pas de choisir une bonne filière. A N’gouça, impossible d’améliorer mes aptitudes linguistiques dans une école de perfectionnement en langues étrangères car il n’y en pas ». Pour ce faire Nahla devra se déplacer chaque jour à Ouargla mais les transports publics sont défaillants au-delà de 17h, dit-elle.
Khaled, son camarade de classe adore l’anglais. Pour lui, « parvenir à parler couramment la langue de Shakespeare est un rêve ». Pour pallier à cet écueil, Nahla et Khaled se sont inscrits au LFL Tour, un cycle de formation itinérant prônant la devise de « languages are fun to learn ». Un concept d’écoles du désert qui sillonnent les zones reculées de Ouargla pour enseigner le français et l’anglais de manière ludique et pédagogique à la fois. Une aubaine pour plusieurs adolescents de ces localités qui aspirent à de bons résultats à l’examen du brevet prévu en juin prochain.
Le projet a été initié par l’Association de développement des capacités des jeunes de Ouargla, un collectif de jeunes bénévoles qui prêche « le changement d’attitude pour renverser le cours des choses » et qui organise depuis trois ans, à chaque vacances scolaires, des cours dispensés par des étudiants en langues étrangères désireux de se rendre utiles pour la communauté. Les écoles classiques semblent récalcitrantes au discours progressiste de la ministre de l’éducation nationale Mme Nouria Benghebrit qui indiquait lors d’une de ses visites à Ouargla qu’il s’avère nécessaire « d’adopter de nouvelles méthodes didactiques dans l’enseignement des langues étrangères, dans le sud du pays notamment, en fonction des référents et acquis culturels des enfants». Les bénévoles de l’association, eux, ont pris au mot les directives de la ministre et emploient tous les moyens pour inculquer ces langues étrangères si difficiles à assimiler pour les enfants de la région. Tout y passe : activités artistiques et sportives, animation culturelle, pièces théâtrales et jeux de rôles et organisation d’ateliers de lecture et d’écriture en langues étrangères.
Dans une palmeraie, un patio ou bien encore la cour de la maison de jeunes de la localité ciblée « une vingtaine d’élèves sont regroupés pour chaque session d’une semaine en vue d’améliorer leur locution et les orienter vers des lectures » explique Mohamed Adnane Djellouli , membre fondateur de l’association. Il est également à l’origine de l’organisation du premier TEDx du Sahara algérien, à Ouargla, en 2016 qui a regroupé un panel de personnalités inspirantes pour la jeunesse issue du Sahara algérien et qui ont réussi à s’imposer au niveau national et international dans différentes disciplines comme la musique classique, l’intelligence artificielle ou bien encore les nouvelles technologies.
A Ouargla où l’effort visant l’éradication de la surcharge des classes a permis à la wilaya de passer de 54 à 34 élèves par classe en cinq ans, le cap est mis cette année sur la consolidation des résultats obtenus par les élèves, notamment dans les matières principales (mathématiques et langues arabe et française) qui posent problème dès le primaire selon une étude menée par l’Observatoire national de l'éducation et de la formation (ONAF) qui note que les taux de décrochage scolaire dépassant les 5% au niveau national sont plus marquants dans les wilayas du sud.
Pour le cas de Ouargla, la moitié des élèves du primaire calent à l’examen de la fin du cycle primaire, ils sont 53% à rater le Brevet d’enseignement moyen (BEM) alors que les deux-tiers ne réussissent pas le baccalauréat, selon les chiffres de l’année dernière. Or, à N’gouça, où Nahla et ses petits camarades ont enfin pu trouver de l’aide grâce à l’association de développement des capacités de jeunes, les taux de réussite aux examens nationaux sont encore plus faibles. Ils affichent 34% au BEM et chutent de 18 à 14% au baccalauréat entre 2015 et 2016.
Avec un seul lycée et un seul collège, cette localité peine à remonter la pente malgré les efforts de la famille de l’éducation de la société civile. Au lycée Hobbi Abdelmalek, les parents d’élèves ont été sensibilisés pour mieux s’impliquer dans la scolarité de leurs enfants après les notes catastrophiques du 1er trimestre, note Walid Mazouni, enseignant de français qui déplore le fait que 4 ou 5 élèves par classe aient la moyenne dans sa classe. Pour ce pédagogue, « il y a de vrais problèmes de compétences dans les langues et nous pensons changer de stratégie avec un passage au tamis dès la première année et instaurer un système de tutorat pour chaque classe ». Dans la banlieue rurale de Ouargla, les consciences commencent à se réveiller.
En 2016, la ministre de l’éducation s’est dite agréablement surprise par sa visite d’inspection dans deux écoles pilotes à Ain Beida et Hassi Benabdallah. Or, « ces deux petites écoles se distinguent par une prise en charge participative du directeur, des enseignants mais aussi et surtout des parents d’élèves et des maires de ces localités ». Un constat corroborant le discours de Mme Nouria Benghebrit qui appelle sans cesse les enseignants à être novateurs et inventifs. A l’institut de technologie de l’université de Ouargla, des étudiants qui brillent par leurs prouesses linguistiques organisent chaque année un salon de l’employabilité qui drague les entreprises. « Notre effort a payé et nos lauréats sont d’ores et déjà recrutés par une entreprise pétrolière », conclut Dr Amina Mekhelfi, sa directrice.
Houria Alioua