Nombreuses, les tracasseries administratives finissent pas avoir raison des entrepreneurs les plus patients. Le constat est partagé par tous : en Algérie, il est plus facile d’importer que d’exporter ou de produire.
Le rare secteur qui arrive à se frayer un chemin dans le labyrinthe de la bureaucratie est celui de l’agriculture. En dehors du pétrole, c’est la datte que l’Algérie exporte le plus. La production nationale se situe entre 8 et 10 millions de quintaux. Le marché brasse plusieurs dizaines de millions d’euros. De toutes les variétés de dattes, la Deglet Nour est le must du must. Elle est prisée dans le monde entier. L’Algérie est le seul pays producteur au monde de cette variété de datte et à un degré moindre la Tunisie. C’est dans la région saharienne de Biskra, à 450 kilomètres au sud-est d’Alger, qu’est produite la fameuse Deglet Nour. Ici, les palmeraies s’étendent à perte de vue et la récolte tout autant que le conditionnement de la datte suit un mode de production encore traditionnel. Cette culture fait vivre une grande partie la population. La seule wilaya de Biskra compte 4,8 millions de palmiers.
Grace au commerce de la datte, Biskra occupe dans l’Est du pays la première place en termes de déclarations d’exportation. La production est envoyée vers le port de Skikda à travers un «couloir vert». Mis en place pour, en principe, offrir aux exportateurs de cette denrée périssable, un traitement préférentiel, ce dispositif est malheureusement devenu un «couloir noir». C’est là l’une des critiques de A. Khobzi, président de la Chambre de commerce et d’industrie des Ziban, qui regrette profondément le manque d’engagement des autorités dans la promotion de l’exportation de la datte. «Nous sommes soumis au respect du code et à la réglementation en vigueur en matière de contrôle douanier. Si ce dispositif nécessite une évaluation, des ajustements et des améliorations, nous sommes ouverts au dialogue.», a lance-t-il dépité.
Mehdi, agriculteur d’une cinquantaine d’années originaire de Tolga à Biskra, n’en peut plus aussi de la bureaucratie. «S’ils (l’administration, Ndlr) ne peuvent pas nous aider qu’ils ne s’amusent pas au moins à nous mettre les bâtons dans les roues. Ces pratiques surannées nous font perdre du temps et beaucoup d’argent», explique-il nerveusement. Mehdi exporte une partie de sa production de dattes « bio » en Allemagne où elle est très demandée. Mais il craint de perdre son marché à cause de la bureaucratie et des retards de livraison. Les chambres froides pour conserver le produit manquent cruellement également. A chaque envoi, ce leader en produits agricoles « bio » se tient le ventre. Le caractère archaïque de l’outil d’exportation algérien est pour le moins ruineux. Une chiffre pour se faire une petite idée des pertes qu’il occasion : l’Algérie n’exporte seulement que 2% de sa production. Elle n’arrive qu’en 28ème position dans le classement des pays exportateurs de dattes alors qu’elle est le deuxième producteur mondial après l’Irak. No comment.
Les cultivateurs de dattes ne sont pas les seuls à souffrir d’un manque de prise en charge. Les artisans eux aussi connaissent les pires difficultés. Surtout ceux activant dans le sud du pays. A Illizi, ville frontalière à Libye située à 2 000 km au sud d’Alger, ils sont près de 4500 à être inscrits à la Chambre de l’artisanat et des métiers (CAM) de la wilaya. C’est beaucoup ? Normal, l’économie de la localité est principalement basée sur l’artisanat, le tannage et la teinture des peaux, la poterie et l’élevage des chameaux. Avant les affaires marchaient bien. Mais depuis le déclenchement de la guerre en Libye et au Mali, les touristes nationaux et étrangers ne sont plus aussi nombreux à venir. Forcément, c’est toute l’activité économique qui a ralenti.
Pour continuer à faire tourner leurs petites affaires, les artisans sont obligés de prendre leur bâton de pèlerin pour aller vendre leurs produits loin de chez eux. Mais l’opération n’est pas gratifiante car les marges bénéficiaires fondent comme neige au soleil. Asphyxiante, la crise risque d’ailleurs de pousser bon nombre d’entre eux à mettre la clé sous le paillasson. Un coup de main des autorités serait, bien entendu, salutaire.
Malgré les promesses des pouvoirs publics de promouvoir l’artisanat dans la région, seuls 98 artisans ont bénéficié, l’an dernier, de la subvention du Fonds national de promotion des activités de l’artisanat traditionnel (FNPAT). Cette subvention se présente sous forme d’équipements et d’outils pour les métiers de la couture, de la bijouterie traditionnelle, de la broderie et du travail sur cuir. Les autres artisans, c’est-à-dire la grande majorité, sont obligés de se débrouiller seuls. «Nous ne comprenons plus rien. D’un coté les responsables nous parlent de promotion du tourisme et de l’artisanat et de l’autre on nous abandonne à notre sort», proteste Mohammed, artisan bijoutier qui a la plus grande peine à faire connaitre ses produits dans les autres wilayas. Pour lui, les artisans seraient très reconnaissants si les pouvoirs publics pouvaient organiser de temps en temps des foires dans le nord du pays pour faire connaitre les produits du sud. «Nous produits sont demandés mais fautes de foires et promotions personne n’entend parler de nous », se lamente Mohammed. Selon lui l’équation est simple : si un plan de sauvetage de l’artisanat des wilayate du sud n’est pas mis en œuvre très vite, c’est tout une partie de l’héritage folklorique du pays qui risque de disparaitre. Les artisans, quant à eux, grossiront les rangs des chômeurs.