L’étau se resserre de plus en plus sur les harragas installés en Europe, notamment en Allemagne et en Espagne
Longtemps pays de « tolérance » et de « permissivité » l’Allemagne, avec l’afflux des réfugiés syriens, a décidé de « s’en prendre » aux clandestins maghrébins.
D’ailleurs, récemment, le ministre allemand de l’Intérieur, Thomas de Maizière, qui a effectué une visite aux trois pays du Maghreb (Algérie, Tunisie et Maroc) n’a pas trop tardé pour discuter avec les responsables des pays précités sur les « mesures à prendre pour une expulsion plus rapide et efficiente vers leurs pays d’origine des migrants maghrébins se trouvant en Allemagne »
Dans un entretien accordé à l’agence de presse française (AFP) le représentant du gouvernement allemand a indiqué que l’objectif de ce voyage était « d’améliorer la coopération pour la reconduite des ressortissants des pays du Maghreb qui doivent quitter l’Allemagne » tout en justifiant cette décision par le fait que « ces trois pays sont sûrs et donc leurs concitoyens n’auront plus droit de demander l’asile en Allemagne… »
Pour ce qui est de l’Espagne, une source du ministère algérien des affaires étrangères a déclaré que « Entre 1 500 et 2 000 sans-papiers algériens sont rapatriés annuellement d’Espagne depuis 2002 »
L’Algérie et l’Espagne sont liées depuis 2002 par une convention permettant le retour des sans-papiers reconnus comme étant des Algériens.
Mais, qu’est ce qui pousse les jeunes algériens à fuir leur pays ? « C’est l’ambiance malsaine du pessimisme et du sentiment d’exclusion qui pousse les jeunes, diplômés ou non à dépasser l’impasse qui est dressée sur leur voie en Algérie pour chercher un avenir meilleur ailleurs et y réaliser leurs ambitions » affirme Rim Othmani, qui a réalisé une étude « Le phénomène des harraga entre les deux rives de la Méditerranée – le cas des Algériens »
Une sociologue qui précise, en outre, que « 36% des immigrés clandestins algériens, harragas, sont constitués de jeunes diplômés universitaires et des travailleurs qualifiés, âgés entre 18 et 30 ans avec une prédominance d’hommes de la classe moyenne ayant affronté un marché du travail précaire et, dans une démarche d’autonomie, tentent l’aventure… »
Pour dissuader les Algériens de tenter l’aventure de l’Occident à bord de bateaux de la mort, l’Etat algérien a pondu une loi répressive condamnant les harraga à des peines allant de 6 mois à deux ans pour « émigration clandestine » Une loi fortement critiquée, particulièrement par l’avocate Fatima Benbraham qui estime que « Nos émigrés clandestins sont victimes d'une terrible déviation juridique orchestrée par des juges irrationnels ( ...) les candidats à l'émigration clandestine algériens se trouvant dans des embarcations de fortune sur les eaux territoriales de leur pays n'attentent en aucun cas aux intérêts de leur pays… Alors, au nom de quoi les condamne-t-on à des peines de prison ? La répression est-elle une véritable planche de salut pour lutter contre ce phénomène? »
Le gouvernement algérien a mis à la disposition des jeunes des dispositifs d’emplois, notamment l’Ansej (Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes) la CNAC (Caisse nationale d’assurance chômage) et l’Angem (l’agence nationale de gestion du micro-crédit)
Et si beaucoup d’Algériens y ont bénéficié, Hamza 29 ans, titulaire d’un baccalauréat littéraire, expulsé d’Espagne il y a sept mois, à bord d’un ferry assurant la liaison entre la ville ibérique d’Almeria et celle de Ghazaouet, à l’extrême ouest algérien, dit ne pas être concerné par ces dispositifs qui « ne font qu’endetter les jeunes et les mener droit en prison »
Découragé à la limite de la déprime, il raconte sa mésaventure, ses désillusions en Europe.
« Ecoutez, j’ai erré en Europe pendant deux ans, avant de me stabiliser en Espagne, du côté de Valence. Je pensais que l’Espagne était plus clémente que les autres pays d’Europe. Je croyais que je finirai pas obtenir des papiers et me faire une situation, mais la crise économique dans ce pays a fini par briser mes rêves. J’ai été arrêté par la Guardia (police espagnole), mis dans un centre de rétention avant d’être embarqué pour l’Algérie. Le jour même j’ai été présenté à un juge d’instruction qui m’a condamné à un mois d’emprisonnement. Une peine légère par rapport à ceux qui ont écopé de six mois et plus… »
Après son incarcération, Hamza a essayé de se réinsérer « Peine perdue, mon esprit toujours habité par l’Europe, n’arrivait pas à se concentrer ici. Et depuis, je n’arrête pas de songer à retourner en Europe et j’y retournerai même à la nage, s’il le faut ! »
Hamza et la plupart de ses semblables nourrissent le même projet : refouler le sol de leur rêve, l’Europe. Quel que soit le prix à payer. Malgré un avenir incertain…