Fuyant l’insécurité dans leurs pays, des dizaines, voire des centaines, de familles syriennes et maliennes se ruent quotidiennement sur Alger. Il faut dire que la Syrie est terrassée par une guerre dévastatrice, alors que la Mali est à la merci de groupes terroristes, ce qui pousse les habitants de ces deux pays à aller à la recherche d’un refuge où ils peuvent vivre en paix.
Et il suffit de faire un petit tour dans les rues d’Alger pour se rendre compte de l’ampleur de la souffrance de ces familles, contraintes à faire la manche pour subvenir à leurs besoins. La plupart de ces mendiants sont obligés de rester debout dans la rue, le long de la journée, accompagnés de leurs enfants, dans l’espoir de susciter la compassion des passants qui les gratifient de quelques sous.
Si les Maliens se mettent à la charge à l’aide d’un récipient, tout en répétant le mot « sadaka », c’est-à-dire aumône, les Syriens, eux, préfèrent mendier en vendant du mouchoir en papier ou de petits livres, contre une somme dérisoire d’argent.
Ces scènes quotidiennes ne manquent pas de marquer les Algérois et de susciter leur émoi, comme le confirme Fatma, une syrienne habituée à vendre des livres religieux, accompagnée de son jeune fils, au niveau de la rue Garidi, à Kouba. Entamer une conversation avec Fatma n’était pas chose aisée, mais au bout de quelques essais, nous avons réussi à lui arracher quelques mots, concis mais suffisants pour décrire son calvaire en Syrie et son évasion avec sa famille jusqu’en Algérie.
Fatma note qu’elle n’était pas en excursion en Algérie mais qu’elle s’y était trouvée à cause de la situation dans son pays, et que ce qui comptait pour elle, c’était d’assurer une vie digne pour elle et pour son fils. Fatma refuse toutefois de répondre à nos questions concernant sa vie privée et ses conditions de vie en Algérie, contrairement à Ahmed, qui lui s’étale, sans complexes, sur le sujet.
Ahmed prend place, chaque jour, en compagnie de sa femme et de ses petites filles, au niveau de la rue Ouled Fayet à l’ouest de la capitale, vendant du mouchoir en papier et du désodorisant pour voitures. Il affirme que les Algérois leurs achetaient leur petite marchandise, certains pour leur besoin et la majorité par solidarité. Ahmed loue une chambre minuscule, non loin de son « lieu de travail », contre une somme convenable, en attendant des jours meilleurs.
« Sadaka », le sésame des Maliens
A l’instar des Syriens, les Maliens vivent aussi dans des conditions lamentables en Algérie, la plupart d’entre-eux se trouvant obligés de faire la manche, se déplaçant en groupes et se répartissant dans les rues et ruelles de la capitale. Préférant les petites localités, contrairement aux Syriens, les Maliens sont connus par le mot « sadaka », ce terme arabe qu’ils prononcent mal mais qu’ils répètent sans cesse pour attendrir les passants.
Par ailleurs, de plus en plus de jeunes maliens préfèrent travailler dans des chantiers de construction, sans pour autant demander à être déclarés aux services de la sécurité sociale. Et c’est une vraie manne pour les patrons qui se ruent de plus en plus sur cette main d’œuvre pas chère et sans trop de contraintes.
Mamadou est l’un de ces ouvriers. Agé de 21 ans, il travaille depuis six mois comme aide-maçon dans un chantier de la région d’Ain Ennaadja. Payé 18 mille dinars par mois, c’est-à-dire à peine le Smic, Mamadou ne rouspète pas pour autant. « Je préfère travailler plutôt que de mendier pour subvenir à mes besoins et à ceux de ma famille. Nous vivions un vrai calvaire chez nous au Mali, où les terroristes nous faisaient voir de toutes les couleurs. Nous avons donc fui notre ville et nous sommes arrivés en Algérie après un long périple» affirme-t-il. Et d’ajouter : « en plus, mon patron m’autorise à passer la nuit sur le lieu de travail, ce qui me permet de ne pas payer de loyer ».
Ce ne sont que des bribes d’un vrai calvaire, celui des familles syriennes et maliennes qui sont à la recherche de sécurité en Algérie, et qui font la manche en attendant des jours meilleurs…