L’université de Ouargla compte actuellement 128 étudiants subsahariens venant du Mali, du Niger, du Tchad, du Burundi, de Mauritanie et du Sahara occidental. Ces étudiants sont orientés vers les universités algériennes dans le cadre des accords bilatéraux entre les pays du continent noir et auxquels l’Algérie offre des bourses d’études destinées aux meilleurs bacheliers. Nigériens, originaires de Zinder au sud-est du Niger et à 1910 Km de Ouargla, Talba Garba, Nasifudeen et Salihou ont effectué leur cursus à l’université Kasdi Merbah.
Le premier a été classé major de sa promotion avec une moyenne générale de 14,25. Au début, l’Algérie n’était pas un choix pour lui, « j’ai des amis qui ont été bénéficiaires d’une bourse au Maroc, d’autres ont pu accéder à des bourses européennes, ce sont les plus chanceux qui vont en France, en Belgique ou en Grand Bretagne ». Des regrets ? Finalement non tout compte fait dit-il. « Je dirais même que contrairement à beaucoup de mes compatriotes qui ont effectué leur cursus universitaire dans les villes du nord de l’Algérie, je ressens parfaitement la dimension africaine du sud algérien ».
Dans son parcours terrestre jusqu’à sa ville d’origine Zinder, les paysages, l’architecture, le faciès des gens, l’artisanat évoquent pour lui une origine et une culture communes. « Je me sens nullement dépaysé. ». Notre étudiant a beaucoup d’amis dans la communauté subsaharienne mais aussi parmi les noirs algériens. Un réconfort quand on sait que certains étudiants sont rejetés par les autochtones ailleurs. « Ouargla offre l’avantage d’être une ville carrefour où des subsahariens de tous pays se croisent, se parlent et partagent des choses, des informations », explique Nasifudeen, un autre subsaharien installé à Ouargla.
Les étudiants africains expriment franchement des difficultés à s’adapter au contexte social et culturel du pays. Des difficultés linguistiques notamment mais aussi des mœurs différentes et surtout une adaptation alimentaire très pénible surtout la première année. Ils ont également quelques soucis d’ordre financier vu la faiblesse de leurs moyens, étant issus de catégories pauvres de la société. Ils comptent beaucoup sur la solidarité intercommunautaire affirme l’un d’eux. Mais comment perçoivent-ils les Algériens ?
L’Algérien a-t-il gardé une dimension africaine à leurs yeux ? La question est gênante. Elle suscite des sourires et visiblement une peur de froisser ou de mal à s’exprimer. Pour Talba Garba, « la dimension africaine n’est pas clairement affichée et exprimée, mais elle ne saurait échapper à l’œil observateur. À Touggourt par exemple, j’ai eu l’agréable surprise de découvrir des objets traditionnels et des ustensiles très ressemblants à ceux que nous avons au Niger et qu’on retrouve aussi au Mali. »
Le point commun indéniable reste la religion musulmane, une identité commune pleinement partagée et qui renforce le sentiment d’appartenance à une même communauté semble t-il. Le plus amusant est que même quand ils ne sont pas musulmans pratiquants, les Algériens observent leurs hôtes et s’étonnent de les voir accomplir certains rituels comme les ablutions à chaque prière. C’est un fait qui a frappé l’imaginaire collectif local par rapport au respect des préceptes de l’Islam, souvent bien mieux que les Algériens eux-mêmes dont certains relèvent avec respect des qualités morales qui se font rares de nos jours comme la droiture , l’honnêteté, le respect de la hiérarchie et la perfection professionnelle.
Dans le volet gastronomique, de vraies difficultés ont imposé aux étudiants subsahariens de se constituer en groupes pour pouvoir s’acquitter de quelques achats et faire une cuisine commune. Et si le couscous sauve quelque peu la mise avec les pâtes et le riz, les mets liquides posent un vrai problème à la bouche subsaharienne raconte Salihou vu que les plats africains sont à base de céréales, de maïs ou de riz constituant des bouillies consistantes et concentrées avec du lait de vache et des sauces très réduites à base de viandes blanches et rouge ou du poisson qui accompagnent généralement ces bouillies. Pour les Nigériens, le « Tô », plat national commun à la sous-région ouest africaine n’a rien à voir avec l’aassida locale.
Il est préparé à base de farine de mil, de sorgho ou de maïs dilué dans de l’eau froide et cuit jusqu’à obtention d’une bouillie solide. « Ça se mange avec le « Baobab » qui est une sauce avec beaucoup de viande de bœuf et de gombos, le tout est ensuite arrosé de beurre de vache frais » affirme Salihou, un autre étudiant nigérien.
Le facteur commun entre ces étudiants est l’importance des distances les séparant des leurs, pour notre major de promotion, il faut parcourir 1910 Km pour arriver à Zinder. L’itinéraire est le suivant : Ouargla Tamanrasset sur 1500 Km puis Tamanrasset-In Guezzam et Assamaka, le premier village frontalier nigérien sur 500 Km. Il se taille ensuite 210 Km jusqu’à Arlit qui est la première grande ville nigérienne et à partir de là il lui faut encore 700 autres Kilomètres vers le centre-est pour atteindre Zinder sur les frontières nigérianes. C’est une grande ville qui compte plus deux millions d’habitants, essentiellement des Haoussas, des Kanuri, des Toubous, des Arabes et des Touaregs. Une ville cosmopolite « très différente de Ouargla » dit Talba.