Les réfugiés assurent qu’en agissant ainsi, on veut les inciter à retourner dans leur pays après trois ans d’exil.
Tous les mois depuis deux ans - la distribution alimentaire du camp a été suspendue pendant tout le mois de septembre 2013 - des incidents opposent le HCR avec les réfugiés. A chaque contrôle, le HCR supprime plusieurs individus de la liste des réfugiés et désactive leurs cartes d’accès à l’aide alimentaire.
Parmi ces ‘désactivés’, la famille de Summy Walet Ollagh. Elle a fuit avec ses sept enfants la commune malienne de Lerneb près la frontière avec la Mauritanie. Elle livre son témoignage à travers une émotion singulière : « J’ai quitté Lerneb où je vivais d’élevage avec les miens. Tout le monde a quitté la ville, il y avait l’insécurité, j’étais seule avec mes sept enfants, j’étais obligée de rentrer en Mauritanie. Nous nous sommes inscrits à (la ville frontière de) Fassala en 2012 avant d’être évacués au camp de M’berra par le HCR un mois plus tard. Depuis mars 2013, je ne reçois plus la ration de 12kg de riz et d’un quart de litre d’huile que le HCR octroie individuellement à tous, tous les mois. Mes enfants et moi vivons désormais grâce à la générosité de nos proches qui vivent dans le camp de réfugiés. »
Selon divers témoignages recueillis dans le camp, le cas de ces «désactivés » a bel et bien été partagé par plus d’une centaine de personnes sur 70 000 réfugiés. Et effectivement comme le confirme un témoin local : « il y en a certains qui ont été dans le cas de Summy et les autres mais certains ont depuis été réenregistrés et pris en compte de nouveau par le HCR comme le cas de la famille Aboubacrine Ag Mohamedoune résidant au camp de M’Berra »
De fait parmi les autres femmes, comme Tadina Walet Hachim et Agaicha Walet Hama de Tombouctou, l’une précise : « on dit qu’on nous a désactivé parce qu’on n’avait pas les papiers, alors qu’en 2012 le HCR nous a enregistrées à Fassalla sans papiers maliens. S’ils disent le contraire, qu’ils le prouvent ! »
En Mauritanie seuls les réfugiés qui sont entrés par la ville frontière de Fassala sont reconnus par le HCR. Les milliers de réfugiés passés par Gogui et Sélibaby, les bourgs mauritaniens frontaliers avec la région malienne de Kayes, n’ont jamais attiré l’attention du HCR.
Si le nombre de réfugiés originaire du Nord Mali est connu avec exactitude au Niger et au Burkina, le chiffre avancé par le HCR pour le camp de M’Berra – 51 000 – et 1000 à Nouakchott est en dessous de la réalité. A Nouakchott on en compte plus de 6000 selon le recensement mené par l’Association des Réfugiés Victimes de la Répression (ARVRA) : le HCR refuserait d’enregistrer les exilés qui auraient trouvés refuge dans les villes et les campagnes.
Selon Imahta, membre de la coordination des leaders communautaires des réfugiés, leur organisation a beaucoup insisté auprès des autorités mauritaniennes via le Hakem (équivalent du préfet) de Bassikounou et du HCR de ne pas tenir compte des pièces d’identités des réfugiés maliens pour les reconnaitre administrativement comme réfugiés. « Là-dessus, nous avions eu des promesses à travers nos interlocuteurs directs » commente Imatha avant d’ajouter « les vrais réfugiés maliens seront tous rétablis dans leurs droits car il y a eu des réfugiés désactivés par erreur mais ça va s’arranger ».
Un autre témoin de la zone, réfugié de Tombouctou, Elhadi Mohamed, donne une autre version de la situation : « les personnes désactivées ne disent pas vrai dans ce qu’elles affirment, le HCR avait communiqué depuis début 2013 qu’il passerait dans chaque secteur du camp tous les trois mois pour des contrôles physiques, toute personne absente sera désactivée et c’est ce qui a été fait à mon avis. » Mais comment recenser des familles qui veulent aussi conserver leur mode de vie nomade ?
Pour Imahta, le HCR est conscient qu’il y a beaucoup de nomades qui sortent et qui rentrent du camp des réfugiés. «Les contrôles c’est pour rayer de la liste des distributions générales des vivres, les personnes qui ont manqué trois événements de distribution de suite. L’agenda de désactivation vise les Mauritaniens confondus aux réfugiés maliens dans le camp de M’berra».
Le coordinateur des réfugiés maliens à M’berra, Mohamed Ag Malha, qui travaille avec le HCR, assure que le problème sera bientôt réglé : «le problème de désactivation de certains existe. J’ai reçu des envoyés de Human Rights Watch, on a déjà parlé de ce problème ».
Mais les administrateurs du camp doivent aussi affronter un nouveau problème lié à la distribution alimentaire : le manque de rations. Pour un humanitaire de MSF M’Berra qui requiert l’anonymat : « les choses deviennent de plus en plus difficile pour les réfugiés car lors de la distribution de Février 2015 les réfugiés ont reçu chacun la moitié de leur ration habituelle c’est-à-dire six kilogrammes de riz par individu par mois. On leur a expliqué que le mois suivant il n’y aurait sans doute pas de distribution. Alors que déjà beaucoup de gens commencent à souffrir parce qu’ils n’ont pas d’argent pour s’acheter à manger. Ceci peut entrainer de graves conséquences nutritionnelles et de santé si une solution rapide n’a pas été trouvée. »