Les réfugiés sont unanimes : ‘’Même si le HCR nous obligeait un jour à retourner chez nous, nous nous opposeront farouchement à retourner au Nord de Tombouctou. » Fin 2014, des ministres maliens venus prêcher le retour avait du fuir la colère des réfugiés.
Pour Barakatou, présidente des associations des femmes de M’berra, ‘’ le retour chez nous est notre rêve principal depuis 4 ans. On a tout laissé sur place dans nos maisons. L’exil n’a pas été notre choix. Le conflit est énorme là où on a quitté ; il y a eu beaucoup de blessures entre les populations ».
Directeur d’une école Mohamed Ag Maouloud précise que : « Nous, en tant que population nous avons toujours été les victimes, alors pour qu’on retourne, il faut un accord convaincant. Car si jamais les doléances de ceux qui ont pris les armes ne sont pas satisfaites, je pense qu’il n’y aura pas de meilleures conditions pour que nous puissions enfin retourner chez nous ».
Un élu local de Goundam craint que le retour se traduise par « l’emprisonnement, les arrestations à l’aveuglette et les exactions contre les nomades par l’armée malienne. Le projet d’accord de la médiation algérienne et des pays de la communauté internationale est une coquille vide ; ça ne peut pas calmer les mouvements qui ont pris les armes. Surtout, qu’est ce que ça change pour nous les populations en exil ? Par exemple des gens qui soutiennent le Mali comme moi, nous avons été les premières victimes de notre armée. Il y a des arrestations et des exactions aujourd’hui même, au moment où je vous parle. Et vous voulez que ce problème puisse être réglé définitivement ? Alors moi je pense que le retour de ces populations va prendre du temps voir des années. » Il conclut : « cette question est toujours dans l’ombre de la matinée», c’est-à-dire que la résolution du conflit en est encore à ses débuts.
Des réfugiés tous politisés
Barakatou, présidente des associations des femmes de M’berra commente : « Dans ce camp de M’berra, il n’y a pas une famille de réfugiés qui n’a pas son fils, un neveu, un cousin, un oncle, ou un père au front avec les mouvements armés sur le terrain. Tout le monde ici cotise 2000 ouguiyas (5 euros) par mois pour aider les groupes armés qui sont en belligérance avec l’état central de Bamako.»
«Ce n’est pas l’intégrité territoriale du Mali que nous ne reconnaissons pas. Si un document est validé par les mouvements c’est comme une récolte perdue après une saison de travail. Nous les femmes de M’berra on ne retournera pas chez nous tant que les tensions n’ont pas été apaisées d’abord. On ne peut pas rester à vivre entre les balles de la rébellion et celles de l’armée malienne. C’est comme tresser des cheveux sans enlever d abord les poux. Car une tête aux cheveux tressés sans être épouillée ne cesse d’être grattée jusqu’à ce qu’elle se détresse’’. Conclut Barakatou.
Le directeur d’école, Mohamed Ag Maouloud précise que : ‘’ Aujourd’hui, aucun père ou mère ne peut empêcher son fils d’adhérer à un mouvement armé sur le terrain, qu’il soit pro-malien ou pro-azawadien. Les populations du nord Mali sont morcelées en plusieurs milices. Je pense que ce fameux document d’Alger ne soignera pas les divisions entre les populations du septentrion malien. Même ici au camp, tu as chaque zone aux mains d’un mouvement différent, soit pro-malien soit pro-azawad et ces derniers sont majoritaires dans ce camp. »
Divisés, les réfugiés se sentent ils bien représentés ?
Un animateur de MSF (Médecins Sans Frontières) confie son sentiment : « Tant d’années vécues dans le camp des réfugiés. Je suis dans le désir ardent que cette situation cesse. Mais à quel prix ? Une réconciliation et un accord définitif durable c’est-à-dire celle de l’autodétermination du peuple de l’Azawad (nord du Mali). De ce fait, même si les populations, les Etats, les intérêts poussent des leaders à signer ou à ne pas signer, le dernier mot nous revient, à nous, les populations celui de faire entendre et faire valoir nos aspirations. »
Enaderfé, animateur du cybercafé du camp : « Est-ce que ceux qui négocient à Alger nous représentent ou pas ? Moi je dis qu’ils nous représentent. Ce sont les idéaux des leaders des mouvements qui sont importants pour nous’’.
La Minusma a conduit plus de vingt représentants du camp de Nouakchott à Bamako et jusqu’à Kidal pour participer aux discussions sur l’accord. Certains étaient à Alger. Beaucoup sont prêts à exiger plus que ce que le document propose. D’autres sont en faveur d’un document qui promet déjà plus d’autonomie.
Ce rejet des accords d’Alger n’est toutefois pas généralisé dans le camp de Mbéra. Il y a ceux qui considèrent que le gouvernement de Bamako ne peut faire plus de concessions que ce qu’il a consenties. Dans ce sens, Ahmed Ag Mohamed Al Mokhtar, réfugié et ex-responsable d’une municipalité au Nord du Mali considère que « la proposition algérienne répond à plusieurs des revendications de la population du Nord comme la construction des routes et l’amélioration des conditions de vie ». Mohamed Al Mokhtar considère que « cet accord, s’il se réalise, est mille fois meilleur que les précédents ».
Cependant, un chef militaire des groupes armés, fraichement débarqué à M’berra du Hassi Labyad – la base rebelle malienne proche de la frontière mauritanienne - prédit une guerre totale contre l’état central de Bamako s’il n’y a pas « d’autonomie pour les trois régions de l’Azawad ». Selon lui : « Il y aura une guerre contre Bamako plus puissante que celle qui a opposé le Mali aux djihadistes ».