Et au début de 2014, le fanatique qui était à la tête du groupe responsable de ce crime fut arrêté sur les frontières avec la Libye par les autorités nigériennes qui ont décidé il y a quelques jours de le livrer à la Cour Pénale Internationale de La Haye, à la demande de l’organisation onusienne, UNESCO.
Il s’agit d’Ahmed Agh El Faki, plus connu sous son nom de code « Abou Tourab ». Il est originaire des tribus des Touareg, plus précisément à la région de l’Azawed au nord du Mali. Abou Tourab était en 2012 à la tête de ce qu’on appelle « Diwan Al Hisba » qui est un comité pour la promotion de la vertu et la prévention du vice. Il fut le cerveau des actes de démolition de nombreux vestiges archéologiques de Tombouctou et participa à l’application des sentences du Tribunal islamique, à la période où le groupe armé contrôlait la région.
Mohamed Ali Agh Hama, un parent d’Abou Tourab, assure qu’il était étonné d’apprendre que son proche a rejoint ces mouvances qu’il qualifie de « terroristes » : « Nous avons été choqués d’apprendre qu’il avait rejoint ces terroristes Nous l’avons appris quand nous étions au camp des réfugiés en Mauritanie », précise-t-il avant de poursuivre : « C’était un poète talentueux et célèbre à Tombouctou, diplômé du département des arts et des langues vivantes de l’Ecole Normale Supérieure. Il y enseigna d’ailleurs la langue arabe avant de rejoindre L’AQMI en 2012 dans la zone d’Areaou au nord-ouest de Tombouctou ».
La justice malienne affirme pourtant qu’Abou Tourab est responsable des actes terroristes qui ont visé neuf sanctuaires ainsi que la mosquée de Sidi Yahiya à Tombouctou, ville dont l’histoire remonte au quatorzième siècle après Jésus Christ, au temps où elle était un chef-lieu commercial et académique incontournable. Aujourd’hui, elle figure parmi les sites du patrimoine mondial dans la liste de l’Organisation des Nation Unies pour l’Education, la Science et la Culture, UNESCO.
Dans une déclaration aux médias, Fatou Bensouda, procureur général de la Cour Pénale Internationale, assure qu’Abou Tourab est « membre du groupe « Ansar Addine » et qu’il joua un rôle principal et déterminant dans la gestion de l’administration locale lorsque le groupe occupa Tombouctou en 2012 ». « Les attentats perpétrés contre les monuments et les sanctuaires historiques sont des crimes impardonnables qui ont des répercutions sur l’humanité entière et nous continuerons à jouer notre rôle jusqu’à ce que la lumière soit faite sur ces dangereux crimes de guerre », explique-t-elle en soulignant que c’est la première fois qu’un terroriste est livré à la Cour Pénale Internationale pour crimes contre le patrimoine mondial.
L’historien-chercheur Mohamed Salem évoque la richesse historique de la ville en disant : « Tombouctou se distingue par ses monuments et ses vestiges historiques. C’est une ville au patrimoine scientifique et littéraire abondant. Ses édifices religieux, ses mosquées et ses sanctuaires sont remarquables par le génie de l’architecture autant que par la beauté des ornements. Ceci en plus de ses bibliothèques débordantes de précieux manuscrits scientifiques et littéraires hérités des prêcheurs soufis, des « oulama » de la religion et des écrivains qui sont tous venus en mystiques pour appeler à l’Islam, non pas par la force du glaive qui repousse quiconque s’y intéresserait de près ou de loin, mais par la seule force de la bonne parole, en prêchant l’amour et la paix ».
« L’UNESCO a classé Tombouctou parmi les sites du patrimoine mondial depuis 1988. En 2005, la ville a été élue capitale de la culture musulmane, de même qu’elle a été un chef-lieu touristique exemplaire en Afrique jusqu’au jour où elle fut frappée par l’arrivée de ces mouvements armés qui en firent le tombeau de ces monuments caractéristiques au Mali et dans toute l’Afrique », conclut Mohamed Salem en insistant sur l’importance de ce patrimoine dans la reconstruction de la paix au Mali.
Partout dans le monde d’ailleurs, de nombreux cris ont été poussés par les intellectuels, à travers des institutions culturelles, scientifiques et de sauvegarde du patrimoine, ainsi qu’à travers des instances officielles, afin que les monuments de Tombouctou soient protégés de la barbarie des mouvements terroristes et pour que tous les moyens dissuasifs soient employés pour les empêcher de poursuivre la démolition du reste des sites archéologiques.
Par ailleurs, le directeur du département africain à l’UNESCO, Lazari Azumo, décrit ces actes terroristes comme étant « les crimes les plus abjects commis contre l’histoire culturelle africaine, au regard du progrès civilisationnel du 21ème siècle. ». Il ajoute que « malgré l’effort fourni par des chercheurs, des scientifiques, des bibliothécaires, des intellectuels et des citoyens qui, connaissant la valeur des sciences religieuses islamiques, hébraïques et chrétiennes pour tenter de protéger quelques uns de ces manuscrits, à peu-près huit mille, le mouvement terroriste et ses partisans ignares ont quand-même pu bruler et détruire des milliers de pièces de ce patrimoine ancestral, à tel point que le sort de plus de 300 mille manuscrits demeure encore inconnu ».