M.W.M., 17 ans, a été obligée par sa famille à se marier à l’âge de 15 ans. Elle s’est retrouvée de nouveau chez elle, une année plus tard, divorcée et avec deux jumelles. Elle a alors retrouvé les bancs de l’école, tout en essayant de s’occuper de ses bébés. M. affirme : « Ce mariage a tout détruit dans ma vie. Ma santé, mon avenir. Ma famille m’a trop lésé en donnant son accord à ce mariage. J’ai été obligée de quitter l’école et j’ai raté ma vie conjugale. C’est pourquoi j’ai repris ma scolarité dès que je suis revenue chez ma famille. J’espère pouvoir offrir à mes filles un meilleur avenir ».
Pour sa part, S.W.L. s’est mariée à l’âge de 16 ans. « Je rencontre de grandes difficultés pour poursuivre mes études, surtout que je suis au collège et que ces études constituent la base pour parvenir au baccalauréat. C’est mon rêve d’enfance d’obtenir le baccalauréat et d’aller à l’université pour obtenir le diplôme me permettant l’accès au barreau en tant qu’avocate », dit-elle avec une lueur dans ses yeux, se transformant vite en une mine maussade lorsqu’elle dit résignée : « Ma situation d’épouse ne me permet désormais plus de concilier entre les études et les tâches ménagères. Je crois devoir me suffire au certificat du collège ».
K.A. est un autre cas de mariage précoce. Elle est élève en 6ème année primaire. Elle raconte comment son mari ne l’encourage pas à poursuivre ses études. « Mais, je n’ai pas abdiqué malgré les pratiques de mon mari et sa famille qui me lèguent plein de tâches familiales pour ne pas me laisser de temps pour mes études », dit-elle avec un mélange de fierté et de tristesse. « Les multiples cas sociaux, issus du mariage précoce et à l’ignorance, poussent à s’attacher au droit des filles à l’enseignement, qui peut les aider à faire face aux aléas de la vie », recommande-t-elle.
Pour l’instituteur Brahim Abderrahman, travaillant dans l’une des écoles du camp de Mbéra, « toute famille, tenant vraiment à l’avenir de sa fille, doit lui laisser la latitude de poursuivre ses études. Car le mariage empêche un tel choix, surtout si le mari s’oppose à ce que son épouse aille à l’école ». Toutefois, Abderrahmane souligne que « le mariage précoce est encouragé par la religion musulmane et les coutumes des peuples de la région ».
Cette tendance est confirmée par Ali Aïssa, militant des Droits humanitaires et spécialiste des affaires sociales. Selon lui, 25 % des filles du camp se marient à un âge inférieur à 18 ans, sous la pression de la pauvreté et des traditions. Les jeunes filles sont exfiltrées des écoles et privées de ce droit fondamental qu’est l’enseignement, pour affronter les aléas du mariage précoce, dont les complications sanitaires des grossesses sur ces gamines, affirme-t-il.
Les conclusions de Ali Aïssa sont partagées par Abou Bakr Ansari, l’expert en affaires Touareg. Ce dernier pense que « le mariage précoce est essentiellement dû à des raisons économiques et sociales car les familles veulent se débarrasser de la prise en charge de la vie et de la scolarité de leurs filles, destinées, en fin de compte, à leurs époux et leurs foyers ». Par ailleurs, poursuit-il, la rareté des opportunités de travail rend les familles désintéressées en matière de poursuite des études de leurs filles surtout lorsque de bonnes opportunités de mariages se présentent. « Les familles veulent également éviter à leurs enfants le spectre de vieilles filles, de plus en plus fréquent », conclut Ansari.