Mohamed Ag Ahmed est un sexagénaire qui habite les campagnes du village malien de Tinesoft, près des frontières mauritaniennes, nous raconte son calvaire : « Nous endurons toujours la peine de nous approvisionner dans ces puits traditionnels et profonds où l’eau n’est accessible qu’au bout de plusieurs mètres, parfois 40, voire plus, au fond de la terre. C’est le cas aussi de nos frères des villages et des plaines proches de la frontière et cela menace notre vie et celle de nous bêtes ».
Pour sa part, Mohamed Mahmoud Weld Arhil, éleveur dans ces contrées, nous explique la façon dont ces puits sont creusés et la manière d’extraire l’eau potable: « nous avons besoin pour cela de toutes nos économies et nous y travaillons sans arrêt du matin au soir. Quant à l’eau, elle est très difficile à remonter : nous suspendons un immense sceau de 50 litres à une corde dont la longueur est proportionnelle à la profondeur du puits et dont l’autre bout est accroché à un âne ou à un chameau afin que le récipient puisse être tiré vers le haut ». « Nous n’avons d’autres moyens pour transporter l’eau que nos bras et nos bêtes que la sécheresse rend parfois chétives », conclut-il.
C’est ainsi d’ailleurs que, tous les jours, le vieux quinquagénaire Ali Jeddou, qui vit au village de Hassi Atouil, près de la frontière malienne, transporte ses sceaux sur des kilomètres vers un puits lointain à la recherche de quelques litres d’eau qui lui permettraient à lui et à sa petite famille, enfant et petits enfants, de se fournir en eau potable. Le cas du vieux Ali est loin d’être isolé; ils sont nombreux dans les campagnes et dans les villages reculés aux lisières des deux pays à souffrir de la soif et de l’insuffisance des ressources d’eau.
Mohamed Moulay, porte-parole de l’organisation "le cœur du Mali" qui creuse souvent des puits dans les campagnes maliennes, en l’occurrence les zones frontalières, affirme que « ces zones, et bien d’autres sur les frontières se plaignent de la pénurie d’eau potable, notamment lorsqu’elle touche les animaux pendant l’été ».
Notre source considère aussi que « la sécheresse est la principale raison du manque de ressources en eau, dans la mesure où, pendant les périodes d’aridité, les pasteurs mauritaniens migrent vers les terres maliennes, et vice versa, ce qui provoque une dense affluence sur les puits et resserre davantage l’étau sur les habitants autochtones».
Il ajoute par ailleurs : « La plupart de ces personnes se déplacent toujours d’un endroit à un autre, ce qui rend difficile un ravitaillement d’agglomérations rurales en eau potable, puisqu’ils n’assistent pas à la réalisation de ces projets et qu’ils ne délèguent pas de commission de suivi pour les projets en cours de réalisation ».
L’ingénieur Seddik Ag Altanana, qui vit actuellement sur le camp de Mberra et qui, durant la période qui précéda la crise du Mali, avait participé au forage et à la conception de plusieurs puits modernes sur les zones frontalières et plus précisément dans la ville malienne de Lira, assure enfin que « la politique de construction des puits au mali a eu pour résultat d’éloigner le spectre de la soif qui guettait le pays depuis les années quatre-vingt du siècle dernier, notamment avec les cycles d’aridité répétés par lesquels sont passés les deux pays ».