Les palmiers attaqués dépérissent à vue d’œil et finissent par se dessécher. Pour limiter les dégâts, nous avons été contraints, la mort dans l’âme, de les abattre et les incinérer» déclare Moustava Ould Saleck avant de renchérir «Ces palmeraies représentent pour nous un patrimoine multiséculaire autour duquel est bâti toute notre existence. Nous lançons un appel aux pouvoirs publics pour nous aider à les sauvegarder».
Le témoignage de Ould Saleck paysans phoenicicole est un cri de cœur symptomatique de la peur qui s’est emparée des producteurs , des agriculteurs et des propriétaires de palmeraie du Tagant qui, subitement, ont été confrontés à une dangereuse menace qui risque de détruire leur seule source de revenu et les installer durablement dans la précarité.
Ce cri de détresse intervient après la sonnette d’alarme tirée par Idoumou Ould Mohamed Lemine Ould Abbas professeur à l’Université de Nouakchott. Dans un écrit il disait à peu prêt ceci : « Le charançon rouge est une espèce d'insectes coléoptères très nuisible. Appelé le « tueur des palmiers », il vient d’être signalé, formellement à Tidjikja ces jours-ci à cause, semble-t-il, des plants de palmiers récemment importés des Emirats Arabes Unis où il sévit depuis 1980. La situation est grave et nécessite une mobilisation générale pour circonscrire le fléau. Avec le manque d’eau et le pompage abusif de la nappe de l’oued, il s’agit-là de la troisième menace qui pèse sur l’oasis de Tidjikja ».
Saisi de la situation, le ministère mauritanien de l’agriculture a, aussitôt, dépêché des experts et après une minutieuse prospection menée , une semaine durant, ces derniers ont conclu à la présence formelle de la bestiole dans l’Oued de Tidjikja (près de 40km) qu’ils ont divisé en trois zones : Une zone rouge, où le coléoptère a déjà été signalé, une zone jaune, mitoyenne de la première où le risque de contamination est élevé et une zone verte, encore à l’abri, mais qui risque d’être contaminée si le mal n’est pas stoppé.
Cependant, la situation serait encore sous contrôle selon le gouverneur de la province du Tagant Sidi Maouloud Ould Brahim et des mesures aurait été prises pour circonscrire le mal. « Nous avons mis sur place une commission régionale pour le suivi de l’impact du Charançon rouge et une équipe technique travaille d’arrache-pied à pister l’insecte, le piéger et détruire ses alvéoles. Un comité d’appui composé de ressortissants de Tidjikja est également mis sur pieds. Son rôle est de mener une vaste campagne de sensibilisation et de plaidoyer pour apaiser les inquiétudes et aider à trouver des solutions dans les meilleurs délais » précise-t-il.
M. Ella Ould Abdel Jelil membre de la société civile préfère plutôt parler de négligence affichée par rapport à la propagation du Charançon rouge qui, selon lui, a eu tout le temps pour s’installer et se déployer. « Nous avons toujours attiré l’attention des décideurs publics sur le danger qui couve. L’année dernière nous avons publié une note d’information dans laquelle nous faisions état du récurent problème d’eau qui se pose aux agriculteurs de l’Oued de Tidjikja mais également de l’apparition de symptômes d’une maladie bizarroïde inconnue jusqu’ici mais aucune action palliative n’a été prise» devait-il dire.
Les paysans de leur côté n’ont pas hésité au cours d’une réunion de sensibilisation tenue le 7 janvier dernier à Tidjikja, à accuser les riches propriétaires de palmeraies d’être à l’origine de l’introduction du Charançon rouge dans l’Oued de Tidjikja. « Depuis l’arrivée massive des plants importés des Emirats Arabes Unis et de l’Arabie Saoudite nous avons constaté un phénomène de dépérissement de palmiers inconnu jusqu’ici. Ces riches propriétaires doivent assumer leur responsabilité en s’engageant à redresser le tord qu’ils nous ont fait subir » indique Ould Camra.
En effet, selon les spécialistes du ministère mauritanien de l’Agriculture le Charançon rouge est introduit à Tidjikja par les palmiers importés des Emirats Arabes Unis un pays où sévit le coléoptère depuis plus de trente ans. « Le Tagant est la seule région Oasienne en Mauritanie qui subit l’attaque du Charançon rouge, les autres régions sont encore indemnes. L’introduction massive des palmiers venus du moyen orient en serait la cause. Des mesures doivent être prises pour éviter que les autres régions soient contaminées. D’ailleurs une vaste campagne de sensibilisation visant à stopper net l’importation des plants, va être engagée dans les jours à venir. Des banderoles géantes seront hissées au niveau des ports maritimes et de l’aéroport international de Nouakchott pour interdire formellement le convoyage de ce genre de marchandise » Indique Mohamed Ould Kheneyte chef de la mission envoyée à Tidjikja pour prospecter le Charançon rouge.
Une commission parlementaire composée de députés des régions oasienne a été également mis sur pieds pour faire entendre la cause des agriculteurs et aider à faire face au fléau. « Nous attendons de cette commission de jouer pleinement son rôle auprès des pouvoirs publics et des partenaires au développement. C’est une affaire purement sociale qui mérite d’être abordée sans parti pris et loin de toute récupération politique. Nous sommes de pauvres paysans et notre seul souci est de sauver nos palmeraies » indique Ould Saleck .